La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Spiro Scimone

Spiro Scimone - Critique sortie Théâtre
Crédit Photo : Riccardo Bergamini

Publié le 10 novembre 2008

A la recherche du corps des personnages

Comédien et auteur, Spiro Scimone creuse son sillon d’homme de théâtre aux côtés de son complice, Francesco Sframeli. Dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, les deux artistes italiens — nés à Messine, en 1964 — présentent deux spectacles (Nunzio, La Busta) et un film (Due amici) : des œuvres entre drôlerie et gravité.

Vous avez créé, en 1990, une compagnie de théâtre avec Francesco Sframeli. Sur quoi se fonde votre complicité artistique ?
Spiro Scimone :Notre compagnie, comme notre complicité artistique, est née du besoin et de la nécessité de donner naissance à un théâtre épuré. Un théâtre qui s’appuie sur l’essence de la parole, sur l’essence du jeu, sur l’essence de la construction scénique. Ce théâtre porte un soin particulier aux détails et aux nuances.
 
La fondation de cette compagnie coïncide avec vos débuts d’auteur. Qu’est-ce qui vous a poussé à franchir le pas de l’écriture ?
Sp. Sc. : Francesco Sframeli et moi-même avons toujours pensé qu’une compagnie de théâtre a besoin d’une véritable identité artistique. Or, l’identité de notre compagnie se fonde autant sur les textes, que sur la façon de les interpréter ou de les mettre en scène.
 
Vous définissez votre écriture comme une "écriture d’acteur". Qu’entendez-vous par là ?
Sp. Sc. : Avant de commencer à écrire, j’étais uniquement comédien. Si je me suis mis à inventer des personnages, c’est parce que j’avais besoin de jouer. Cette nécessité a été déterminante dans mes débuts d’auteur. Je qualifie mon écriture d’écriture d’acteur, car le point de départ de ma dramaturgie, mais également de mon jeu de comédien, est la recherche du corps des personnages. Si je parviens à trouver le corps des personnages, je trouve alors leurs mots, leurs silences, leurs pensées, leurs actions… Ce corps n’est ni abstrait ni réel. Il s’agit d’un corps théâtral qui se met à vivre, grâce à l’acteur, par le biais de la représentation. Bien sûr, la présence du spectateur est indispensable. Sans lui, il n’y a pas de représentation, les comédiens ne peuvent pas donner naissance à leurs personnages. Et si les personnages n’existent pas, l’auteur n’existe pas non plus. La relation qui unit l’auteur, l’acteur et le spectateur est indispensable au théâtre. A travers mes textes, je cherche toujours à faire en sorte que cette relation puisse prendre forme.
 
« Le corps des personnages est un corps théâtral qui se met à vivre, grâce à l’acteur, par le biais de la représentation. »
 
Qui sont les deux "anti-héros" qui se côtoient dans Nunzio ?
Sp. Sc. : Ce sont deux hommes qui partagent un petit appartement. L’un, Nunzio, travaille dans une usine de peinture, où il a contracté une maladie pulmonaire. L’autre, Pino, s’absente pour des missions mystérieuses. Ce sont deux solitudes qui se rejoignent dans un besoin impérieux de communiquer : non seulement par les mots, mais aussi, et surtout, par les silences. Mais personne ne les écoute. Le théâtre est magique parce qu’il nous met face à ces silences et nous donne la possibilité de les écouter.
 
Quels sont les points de convergence et de divergence entre Nunzio et La Busta ?
Sp. Sc. : La Busta est un acte d’accusation contre un monde rempli d’injustices, d’abus et de violence. Un monde qui, malheureusement, est une projection de celui dans lequel nous vivons. Une des similitudes existant entre ces deux textes est justement cet univers de violence, univers sous-entendu dans Nunzio et montré de façon explicite dans La Busta. Quant aux personnages, ils se révèlent très humains dans Nunzio, mais pas dans La Busta (à l’exception de celui que j’ai nommé Un Monsieur). Douze années séparent ces deux textes. Leur écriture n’est pas la même parce que le rapport entre les personnages est différent. Dans Nunzio, ce rapport est intime, alors que dans La Busta, il est plus détaché.
 
Vous avez réalisé Due amici avec Francesco Sframeli, film pour lequel vous avez obtenu, en 2002, le prix de la meilleure première œuvre lors de la Biennale de Venise. Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire du cinéma ?
Sp. Sc. : La volonté de découvrir les similitudes et les divergences existant entre le cinéma et le théâtre. Les points communs sont très simples à déterminer. Au théâtre comme au cinéma, il est fondamental que les acteurs, les actrices, l’auteur et le metteur en scène aient du talent. Les différences, elles, résident surtout dans la conception du temps et de l’espace, ainsi que dans l’usage de l’image. Au théâtre, on voit souvent une image se dessiner derrière des mots. Au cinéma, l’image est devant, elle prend généralement la place du texte.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


Nunzio (spectacle en sicilien, surtitré en français), de Spiro Scimone ; mise en scène de Carlo Cecchi. Du 6 au 30 novembre 2008. Du mardi au samedi à 19h00, le dimanche à 15h30. Relâche les lundis et le mardi 11 novembre.
Due amici, film réalisé par Spiro Scimone et Francesco Sframeli d’après Nunzio. Les samedis 8, 15, 22 et 29 novembre 2008, à 17h00.
La Busta (spectacle en italien, surtitré en français), de Spiro Scimone ; mise en scène de Francesco Sframeli. Du 6 au 30 novembre 2008. Du mardi au samedi à 21h00, le dimanche à 17h30. Relâche les lundis et le mardi 11 novembre.

Spectacles et projections au Théâtre du Rond-Point (dans le cadre du Festival d’Automne à Paris), 2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris. Réservations au 01 44 95 98 21 ou au 01 53 45 17 17.

A propos de l'événement


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