La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Moi je crois pas !

Moi je crois pas ! - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Giovanni Cittadini Cesi Légende photo : Catherine Hiegel et Pierre Arditi : un couple avalé par la routine et la télévision.

Publié le 10 mars 2012 - N° 196

Jean-Claude Grumberg brosse une satire drolatique et désespérée sur la vie devant la télévision, portée avec finesse par Pierre Arditi et Catherine Hiegel.

« Moi je crois pas que les fayots font péter » lâche monsieur dans un soupir opiniâtre, tandis que madame épluche minutieusement Telepoche, vautrée sur la banquette. Et d’argumenter à coups imparables d’inepties de soi-disant bon sens et autres sophismes, tandis que l’autre évidemment réfute avec des raisonnements tout aussi saugrenus. Ainsi débute la soirée, qui après ces chamailleries de petite voltige, s’achève devant un documentaire animalier… Et ainsi s’égrène la vie de ce couple, qui chaque soir débine quelques vérités admises ou questions éternelles : le yéti, la vie après la mort, le 11 septembre, le hasard, l’immaculée conception… L’humeur rogue, l’assurance du mâle dominant en guise de preuve, monsieur parle, madame objecte ; il s’énerve et s’entête, elle s’agace et résiste ; il part se coucher seul, elle se replonge dans ses émissions. Côte à côte ainsi depuis trente ans…

Crédules dénonçant la crédulité générale

Gavés d’images télévisées mais ignorants du monde, de l’histoire, de l’autre et d’eux-mêmes, ces Français moyens, banalement médiocres, individualistes, racistes et antisémites, passent le temps à se disputer pour tromper l’ennui d’une existence vissée au petit écran, entre « Qu’est-ce qu’on mange ? » et « Qu’est-ce qu’il y a à la télé ? ». Incultes et pas peu sûrs de leurs contrevérités, crédules dénonçant la crédulité générale, ils avalent sans discernement sur Internet et sur les ondes informations fallacieuses et théories du complot, pourvu qu’ils en tirent matière à quelques poses d’importance. Plantant le décor dans un espace neutre, Charles Tordjman met en scène avec sobriété cette série de vignettes commençant immuablement par un « Moi je crois pas… » résolu. Sans doute aurait-il fallu resserrer le texte de Jean-Claude Grumberg qui étire les dialogues souvent plats de cette longue scène de ménage. S’il évite la caricature, il dissout aussi la satire du décervelage médiatique et de l’imbécilité ordinaire dans une comédie plus convenue sur l’usure du couple. Catherine Hiegel et Pierre Arditi donnent justement humanité à ces personnages étroits d’esprit, finalement attachants dans leurs solitudes recluses et inséparables.

 

Gwénola David


Moi je crois pas !, de Jean-Claude Grumberg, mise en scène de Charles Tordjman. Jusqu’au 24 mars 2012, à 18h30, relâche les lundis, les 6, 7, 8 et 13 mars 2012. Théâtre du Rond-Point, 2bis avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris. Tél. : 01 44 95 98 21 et www.theatredurondpoint.fr. Durée : 1h10.

A propos de l'événement


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