Depuis vingt ans complice du metteur en scène Christoph Marthaler, la scénographe Anna Viebrock dévoile, à travers des maquettes de décors, la fabrique d’un univers théâtral.
Vastes cafés défraîchis, brasseries vieillottes, restaurants ringards, sinistres salles des fêtes, halls d’hôtel ou de banque passablement décatis… Les lieux qu’imagine Anna Viebrock semblent découpés à même le réel, dans les décors banals et rassurants d’un quotidien usé par les ans. Presqu’à la dérobée, ces répliques d’espaces publics où la vie tournique doucement à huis clos laissent pourtant entrevoir leurs failles et révèlent une réalité en trompe-l’œil où vient se fondre la fiction. Le temps toujours y a fait son œuvre, a jauni le papier peint démodé, écorché le mobilier suranné, grisé les couleurs autrefois vives. Les murs portent traces des années et lestent les êtres d’une histoire qui se joue depuis longtemps sans doute, dévoilant ainsi le hors-champ de la représentation théâtrale. Depuis sa première collaboration avec Christoph Marthaler en 1991 pour L’affaire de la rue de Lourcine de Labiche, la scénographe est devenue fidèle complice du metteur en scène suisse et conçoit pour lui des « espaces à jouer » qui participent de la dramaturgie. Dans Miroirs du réel, elle expose ses maquettes réalisées pour le théâtre et l’opéra, destinées aux collaborateurs des projets de création. Accompagnés des documents préparatoires, de livres d’esquisses annotés, de photographies et de plans de techniques, ces quelque trente modèles montrent le processus de réflexion qui tantôt fouille les arcanes d’un texte, tantôt invente un univers, et peu à peu se traduit concrètement dans la construction de l’espace. On y découvre la fabrique secrète d’une artiste qui dérobe à l’ordinaire des jours la matière de son imaginaire.
Festival d’Avignon. Miroirs du réel, exposition d’Anna Viebrock. Du 7 au 27 juillet, de 14h à 19h. La miroiterie.
