Eugenio Barba et l’Odin Teatret présentent « Les Nuages d’Hamlet »
Troupe amie du Théâtre du Soleil, l’Odin [...]
Il s’agit d’une œuvre un peu oubliée. L’œuvre autofictionnelle de l’écrivaine Violette Leduc que font revivre, au théâtre, la metteuse en scène Marie Fortuit et ses quatre interprètes : Louise Chevillotte, Marine Helmlinger, Raphaëlle Rousseau et Lucie Sansen. Quand l’exaltation d’un amour lesbien se heurte à la censure.
« Vous nous parlez du fond de votre solitude. Et quiconque nous parle du fond de sa solitude, nous parle de nous », déclare, admirative, Simone de Beauvoir (Louise Chevillotte) à Violette Leduc (Raphaëlle Rousseau). Le personnage qui s’exprime devant nous, au sujet de son amie et protégée, reprend un extrait de la préface à La Bâtarde qu’elle signa, en 1964, lorsque parut ce roman, qui allait révéler au grand public l’autrice née en 1907 et décédée en 1972. Au sein du spectacle créé par la metteuse en scène Marie Fortuit, le théâtre éclaire la matière âpre d’une existence, comme celle, voluptueuse, d’une écriture. Basculant de l’autofiction à la biographie, cette proposition teintée tantôt de réalisme, tantôt d’onirisme, s’empare d’un texte qui aurait dû faire partie de Ravages, troisième roman de Violette Leduc publié en 1955. Mais cette œuvre fut censurée, expurgée de ce chapitre (publié dans une version raccourcie, en 1966, sous le titre Thérèse et Isabelle) qui nous transporte à l’intérieur d’un pensionnat pour jeunes filles dans lequel deux adolescentes — Thérèse, double de Violette Leduc, et Isabelle — découvrent ensemble la fièvre de l’amour et des plaisirs charnels.
Une lutte pour vivre et pour écrire
Les bouillonnements de cette passion émancipatrice sont portés à la scène de façon assez sage, sans chercher à traduire, théâtralement, la liberté ample et essentielle, rigoureusement transgressive de l’écriture de Violette Leduc. Entre stylisation poétique et musiques (interprétées, au piano et à l’accordéon, par Lucie Sansen ; Marine Helmlinger incarne un rôle secondaire de pensionnaire), la première partie de Thérèse et Isabelle joue d’ellipses, de lenteurs, de corps-à-corps élégamment sensuels… On pourrait regretter cette forme de distanciation esthétisante si Marie Fortuit ne déplaçait le centre de gravité de sa proposition en se penchant sur la vie même de l’écrivaine, sur les échanges édifiants de cette dernière avec Simone de Beauvoir. Cette autre versant de la représentation nous amène à ressentir la souffrance d’une artiste profondément déstabilisée par la censure. Sa colère de se voir bâillonnée, comme sa douleur d’être incomprise, est universelle. C’est d’ailleurs cela que l’on retient de ce Thérèse et Isabelle au bout du compte très touchant. La blessure d’une femme radicalement intègre qui ne supporte pas de se voir, même partiellement, invisibilisée. Le combat d’une autre qui exprime, à travers son soutien indéfectible, l’engagement salutaire qu’est la sororité.
Manuel Piolat Soleymat
Les lundis, mardis, vendredis et samedis à 19h, les dimanches à 15h. Spectacle vu le 26 février 2025 au Phénix, à Valenciennes, dans le cadre du Festival Cabaret de curiosités. Tél. : 01 42 74 22 77. Durée : 1h 40.
Également du 3 au 16 novembre 2025 aux Célestins.
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