Anne-Laure Liégeois porte «Phèdre» à un haut niveau de radicalité
Au cœur d’une troupe d’actrices et d’acteurs [...]
Dans la grisaille ambiante, voilà que fait irruption la couleur ! Frédérique Lazarini et les siens redonnent vie à Labiche avec un talent fou, créant avec science autant qu’humour une partition drôlissime. En route pour les Alpes suisses !
Démodé Labiche ? Certainement pas dans cette délicieuse mise en scène, pétrie de trouvailles du début à la fin, jouant de divers registres et références, au cours de laquelle les péripéties du voyage de Monsieur Perrichon font montre d’un réjouissant relief. Riche carrossier bien dans son temps, celui d’un Second Empire où s’affirment la puissance de l’argent et le progrès technique, Monsieur Perrichon, désormais retiré des affaires, emmène sa femme et sa fille Henriette en voyage à la découverte de la Mer de Glace, au flanc du « tranquille et majestueux » Mont Blanc. Départ Gare de Lyon à Paris, où par un heureux hasard, ils tombent nez à nez avec Daniel d’abord, puis Armand, tous deux épris d’Henriette qu’ils ont rencontrée au bal du huitième arrondissement. Les voilà tous deux aussitôt engagés dans une lutte amicale quoiqu’acharnée, afin de conquérir le cœur de la belle, mais aussi, et surtout, l’assentiment des parents, a fortiori du père. La voie ferrée embarque les protagonistes dans un périple tout en rebondissements, à vive allure, jusqu’à ce que l’épopée se fasse leçon de vie. Le vaniteux et lyrique Perrichon (qu’il est drôle !), autoritaire comme l’étaient les pères à l’époque, gagnera en lucidité. Les costumes très réussis (signés par Dominique Bourde et Isabelle Pasquier) participent pleinement à l’aventure, changeant radicalement d’un épisode à l’autre. Il faut voir le trio familial sur le départ, touristes parisiens skis à la main, en doudounes blanches et bonnets fourrés, flanqués des deux fringants prétendants tels des Dupond et Dupont, dans une gémellité enjouée qui n’empêche pas la différence de caractère.
Épopée rocambolesque et métamorphose intérieure
Rappelant le cinéma muet et ses atours d’antan, deux grands écrans nous régalent de paysages qui défilent, jusqu’à nous emmener dans un jardin où trône un pommier… magique. Chaque scène est minutieusement pensée. La satire de la bourgeoisie ne se départ jamais d’une forme d’exultation, qui se teinte d’absurde. Réglée au cordeau, finement équilibrée, la mise en scène fait vivre une fibre burlesque, une gaieté colorée et communicative, où s’invitent quelques chants et pas de danse de musical. Dans une scénographie minimaliste où se distinguent de malicieux objets (fabriquée par François Cabanat), cette joyeuse fantaisie qui se réfère à Tati ou Chaplin jubile de ses effets. Le rythme n’est rien sans le jeu : saluons ainsi l’ensemble des interprètes formidablement accordés, dans une justesse de ton et une vivacité millimétrée qui font mouche : Cédric Colas (Monsieur Perrichon), Emmanuelle Galabru (Madame Perrichon), Messaline Paillet (Henriette), Hugo Givort, qui signe aussi la création vidéo (Armand Desroches), Arthur Guézennec (Daniel Savary) et Guillaume Veyre (le Commandant Mathieu, le domestique Majorin, etc.) sont à l’unisson. En écho aux burlesques américains, mais aussi au cinéma enchanté de Jacques Demy, la scène des Artistic Athévains s’empare brillamment de la verve de Labiche.
Agnès Santi
mardi à 20h, mercredi à 17h, jeudi à 19h, vendredi et samedi à 20h30, samedi à 17h et dimanche à 16h. Relâche lundi, du 24 au 27 février, les 1er et 29 avril. Tél : 01 43 56 38 32. Durée : 1h30.
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Après Sous nos yeux en 2021 et En travers de [...]