La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Maison de poupée

Maison de poupée - Critique sortie Théâtre
Crédit : Marcel Hartmann @ Contour by Getty Images Légende : Audrey Tautou, Pascal Elso et Michel Fau dans Maison de poupée.

Publié le 10 mars 2010

Michel Fau guide et accompagne Audrey Tautou pour ses premiers pas sur scène en traitant la comédienne comme l’héroïne qu’elle incarne : en poupée mécanique… Cruelle mise en abyme…

Audrey Tautou, jolie comme un cœur et délicieuse à croquer, a presque l’allure de son homonyme enchanteresse qui, dans My Fair Lady, illustre avec talent comment l’esprit vient aux femmes… Même robe froufrouteuse, même grands yeux noirs et même innocence mutine… Hélas, la comparaison s’arrête là et le jeu caricatural de la jeune première a tôt fait de transformer son personnage en insupportable hystérique que bécote un Michel Fau plus Pygmalion pervers et précieux que Torvald Helmer innocemment phallocrate… Le portrait de femme que dessine Ibsen dans Maison de poupée est l’occasion, pour la comédienne qui choisit de l’animer, d’user d’une palette subtile pour montrer comment Nora se libère progressivement des carcans bourgeois et de l’égoïsme des hommes. Mais seul le costume d’Audrey Tautou dépêtre véritablement la comédienne jusqu’à un petit gilet final d’humble cousette après qu’elle a quitté sa panoplie emberlificotée de femme-objet. Son jeu se calme lui aussi, certes, mais le passage est à ce point brutal et si mal aménagé qu’il en devient criant d’inauthenticité.
 
Volonté formelle tournant au formalisme
 
Cette mise en scène se veut justement exploration du rapport à l’authenticité. En exergue du spectacle, cet extrait des Illusions comiques, d’Olivier Py (qui, lui, sait user avec talent et distance du génie de Michel Fau) : « La convention est la chair du théâtre, sans convention on tombe dans la convention la plus conventionnelle : l’authentique ! ». On comprend alors ce qui a guidé les choix mélodramatiques et expressionnistes de Michel Fau, qui grime ses comédiens comme ceux du Grand-Guignol et mécanise leur jeu. Mais paradoxalement, soit que l’idée n’est pas poussée suffisamment loin, soit que les comédiens ne parviennent pas totalement à se débarrasser du psychologisme, ces personnages que l’on devine pantins désarticulés manipulés par la convention et la bienséance bourgeoises laissent froid. Trop ou trop peu alors, dans les décors, les costumes et jusque dans l’interprétation : tout semble indiquer la volonté d’une gageure formelle et orchestique, qui ne manque pas d’intérêt en soit mais qui ne s’assume pas jusqu’au bout et se transforme en formalisme affecté. Le drame tourne au mimodrame et la pauvre Nora devient une bien ridicule poupée, gentille et sotte, dont on peine à deviner l’humanité sous le fard. La toute charmante Audrey Tautou semble prise au piège de cette machine et c’est là, paradoxalement, qu’elle évoque le mieux l’émouvant personnage qu’elle incarne : une femme dont la société se joue et qui s’exténue à vouloir plaire.
 
Catherine Robert


Maison de poupée, d’Henrik Ibsen ; mise en scène de Michel Fau. A partir du 16 février 2010. Du mardi au samedi à 21h. Matinées du 16 février au 26 mai le samedi à 18h et à partir du 27 mai le dimanche à 15h. Théâtre de la Madeleine, 19, rue de Surène, 75008 Paris. Réservations au 01 42 65 07 09. Durée : 2h.

A propos de l'événement


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