Hors la loi de Pauline Bureau
Pauline Bureau crée à l’invitation de la [...]
Anna Mouglalis dans le rôle de Mademoiselle Julie, Xavier Legrand dans celui de Jean. Sous la direction de la metteure en scène Julie Brochen (qui incarne le rôle de Kristin), les deux comédiens interprètent Mademoiselle Julie au Théâtre de l’Atelier. Une version faite d’ambivalences, qui veut extirper la pièce d’August Strindberg de sa seule dimension tragique.
En 2002, vous avez mis en scène Père, en collaboration avec François Marthouret. Aujourd’hui, vous créez Mademoiselle Julie. Quels liens entretenez-vous avec le théâtre d’August Strindberg ?
Julie Brochen : C’est un auteur dont l’univers très particulier m’a toujours à la fois glacée et passionnée. J’avais, jusqu’à ce qu’Anna Mouglalis et Xavier Legrand me proposent de les mettre en scène, une vision assez sombre de Mademoiselle Julie. En travaillant avec eux sur cette pièce, je l’ai redécouverte sous un nouveau jour.
Qu’est-ce qui est à l’origine de ce changement de perception ?
J.B. : Je crois que c’est la complicité et l’ambivalence du couple que ces deux comédiens forment sur scène. La première fois que je les ai entendus dire ce texte, j’ai eu peur pour le personnage de Jean… Je me suis mise à trembler pour lui ! Comme si, tout à coup, les rôles s’inversaient et qu’il devenait la proie de Mademoiselle Julie. Cette inversion, je crois, vient raconter quelque chose de très intéressant sur les rapports homme/femme. Xavier apporte à Jean une forme d’élégance, un côté raffiné, par moments presque féminin. Anna, elle, à travers sa grande beauté, sa voix grave, sa stature hautement aristocratique, dégage une personnalité extrêmement puissante. Le supérieur et l’inférieur en viennent donc à se mélanger. Le bras de fer qui se joue entre Mademoiselle Julie et Jean devient, je crois, plus complexe et plus intéressant.
Ce qui revient à poser une autre forme d’équilibre…
J.B. : Exactement. Un équilibre fragile et dangereux, d’une incroyable sensualité, qui fait naître un désir d’une grande intensité. La nuit que vivent Jean et Mademoiselle Julie est une nuit profondément troublante. Une nuit qui par moments nous fait rire, par moments nous saisit, nous happe, nous dérange, nous surprend… Comme si on assistait, en regardant par le trou d’une serrure, à quelque chose de très intime, de l’ordre de la pulsion, de la sexualité. Mademoiselle Julie est une pièce étonnamment moderne et visionnaire qui, contrairement à l’image sombre que l’on peut en avoir, contient toutes sortes d’éléments permettant d’échapper à l’enfermement du suicide et de la tragédie. On peut à tout moment penser que cette nuit va finir autrement. On est sans cesse frappés par la vivacité et l’énergie qui alimentent le jeu périlleux auquel jouent les deux personnages. Leurs sens deviennent fous. Lors de cette nuit pas comme les autres, on assiste à un relâchement des corps, qui s’oppose à la pensée précise et rigoureuse de l’auteur. Cet effet de contraste nous donne l’impression d’assister à une sorte d’expérience scientifique.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h. Relâche le 21 juin. Durée de la représentation : 1h20. Tél. : 01 46 06 49 24. www.theatre-atelier.com
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