Ce qui demeure de Elise Chatauret
Elise Chatauret interroge la mémoire et la [...]
Daniel Benoin révèle l’humanité grinçante de cette cruelle histoire, où la fougue de la jeunesse ravive un monde abîmé par l’avarice. Avec un remarquable Michel Boujenah.
Initialement créée il y a une vingtaine d’années alors qu’il était jeune directeur du CDN de Saint-Etienne, Daniel Benoin propose une nouvelle version de sa mise en scène de L’Avare, avec dans le rôle-titre Michel Boujenah. C’est en tous points une réussite. Dans sa manière fine et sensible d’ancrer l’intrigue dans la vérité des âmes mais aussi des corps. Dans sa manière aussi de déployer toute l’humanité de cette histoire cruelle, en laissant s’affirmer quelques accents burlesques avec fluidité et légèreté, au fil d’une mise en scène au cordeau. Jamais caricatural, Harpagon apparaît ici dans toute son amplitude et sa complexité. Prisonnier de sa folle obsession pour son argent, incapable de comprendre ses enfants au point de les assimiler à des ennemis, en proie parfois à d’étranges hallucinations, il s’avère néanmoins infiniment troublé par Marianne. Tout en éclats ou en nuances, le remarquable jeu de Michel Boujenah exprime la rage entêtée de l’avaricieux mais aussi sa fragilité et sa naïveté qui ne comprend rien au monde qui l’entoure. Père violent, tyran domestique, amoureux désarmé, clown perdu, il demeure sous l’emprise de cette fallacieuse et mortifère jouissance de possession. Imposante et superbe, la scénographie de Jean-Pierre Laporte souligne les effets de sa tragique dérive et de son individualisme forcené. Elle figure une vaste et froide demeure bourgeoise à l’étage dévasté, maison vidée de toute chaleur partagée et de toute vie.
L’amour comme moteur de la rébellion
D’immenses portes battantes s’ouvrent vers un extérieur hostile où tombe une neige drue. Si Harpagon se réfugie dans un espace étriqué au tiède confort, les autres grelottent. Et organisent comme ils peuvent leur défense contre le dénuement. La jeunesse, les femmes surtout et les valets se démènent. Alors que le barbon solitaire annonce vouloir épouser la jeune et belle Mariane, la brûlure de l’amour réchauffe ardemment les jeunes cœurs. Et chamboule tout. L’affrontement entre Harpagon et les jeunes amoureux est orchestré avec une réjouissante vivacité. Les perruques valsent. Elise et Valère s’embrassent fougueusement. Cléante qui se pare en marquis et Marianne qui minaude à souhait virevoltent. Quant au dénouement fort alambiqué, la mise en scène le transforme en une scène parodique de théâtre dans le théâtre, épisode baroque grandiloquent et joyeux. Tous les artifices du théâtre, dont les costumes de Nathalie Bérard-Benoin et la vidéo de Paulo Correia, conjuguent harmonieusement leurs effets. A l’unisson, les comédiens Nathalie Cerda (Frosine), Frédéric De Goldfiem (Valère), Noémie Bianco (Mariane), Jonathan Gensburger (Cléante), Mélissa Prat (Élise), Éric Prat (La Flèche et Anselme), Paul Chariéras (Maître Jacques et Maître Simon), Clément Althaus (Le commissaire et Brindavoine) et Julien Nacache (La Merluche) composent une partition profondément vivante et impeccablement accordée.
Agnès Santi
Tél : 04 83 76 13 00.
Elise Chatauret interroge la mémoire et la [...]