Au jour le jour, Renoir 1939
Benoît Giros tisse son motif théâtral sur le [...]
La comédie ludique d’Oscar Wilde – un jeu de masques dans l’Angleterre victorienne – retrouve ses forces avec la belle équipe de Gilbert Désveaux.
Gilbert Désveaux signe L’Importance d’être sérieux d’Oscar Wilde dans la nouvelle adaptation de Jean-Marie Besset, auteur et directeur du Théâtre des 13 Vents à Montpellier. Peu après la première de la pièce, Wilde est arrêté, en plein succès, avant que ne s’ouvre son procès le 26 avril 1895, qui le condamne pour outrage aux mœurs. Pièce légère et pétillante dont les dandys avancent masqués, L’Importance d’être sérieux ne pose pas d’emblée la question homosexuelle. La comédie brillante défendrait plutôt une philosophie du plaisir – l’important étant de paraître sérieux et non de l’être, pour accéder au pragmatisme d’un mariage bourgeois. Bridée par ses préjugés et un esprit de caste, la bonne société victorienne empêche les jeunes gens de vivre, par respect dû aux traditions, à la famille, à la religion… L’écriture, dont les échanges ciselés et ornés d’épigrammes tournoient à l’infini, de l’ambiguïté à l’écart jusqu’au paradoxe, joue sur la réversibilité des mots et des situations dans des lieux symboliques codés. La ville ou la campagne, le salon ou la serre, le club ou le presbytère, le bon ou le mauvais côté de Belgrave Square, les garçonnières de l’Albany : chacun a sa place.
Les hommes s’en sortent beaucoup mieux que les belles au bois dormant
Le magnanime Jack (Mathieu Bisson) dit à l’élégant Algernon (Arnaud Denis) : « Tu manques trop d’esprit de sérieux… On doit se comporter avec une grande rigueur morale. Parfaitement ! Et comme la grande rigueur morale est incompatible, comme tu imagines, et avec la santé et avec la joie de vivre, afin de continuer mes petites virées à Londres, je me suis inventé un jeune frère … » Entre, d’un côté, les intentions de principe, les discours moralisants, et de l’autre, les pratiques roturières inavouées de l’hypocrisie sociale, les hommes s’en sortent beaucoup mieux que les belles au bois dormant. Ils servent une conception du bonheur dont ils usent avec gourmandise dans le seul temps présent. Les femmes moins expressives n’imaginent pas l’idée de liberté. Garante des privilèges de sa lignée, la digne Lady Bracknell, qui saura, croit-elle, bien marier sa fille, ne révère que les convenances ; elle inflige à ses proches contrariétés et interdits. Claude Aufaure incarne cette figure aînée castratrice et comique, et s’en donne à cœur joie. Les aimables jeunes filles, Cecily (Mathilde Bisson) et Gwendolen (Marilyne Fontaine), aimeraient prétendre à un choix personnel dans la conduite de leurs amours, différentes de la gouvernante (Margaret Zenou), une vieille fille ridicule. La pièce, apparemment désuète, révèle des maux persistants avec une profondeur savoureuse et amusée.
Véronique Hotte
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