La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Ma mère qui chantait sur un phare

Ma mère qui chantait sur un phare - Critique sortie Théâtre Boulogne-Billancourt TOP
Légende : Deux frères à la poursuite de leur mère, qui chante sur un phare. CR : Christophe Raynaud de Lage

Théâtre de l’Aquarium / Gilles Granouillet / mes François Rancillac

Publié le 25 janvier 2013 - N° 206

Ma mère qui chantait sur un phare court derrière une femme nue, qui part à la dérive sur la mer, debout, chantant son désespoir à la cime d’un phare chancelant.

A ses pieds, les hommes du village, curieux, railleurs et pleins de désir. Tentant de la sauver, ses deux enfants, Marzeille et Perpignan, dont on suit tout du long les trépidantes péripéties. Trois chiots à la main, qu’ils ont renoncé à noyer, de grenouille morte en Algeco broyé, en passant par un dogue allemand saigné, ces deux frères, que trois ans séparent, accompliront de catastrophe en catastrophe le chemin qui fait sortir de l’enfance vers un âge adulte désenchanté et ses secrets de famille trop longtemps dissimulés. C’est la quatrième fois que François Rancillac monte un texte de Gilles Granouillet – les deux artistes se sont rencontrés à la Comédie de Saint-Etienne – et ce conte initiatique teinté de réalisme rural et maritime prend le pli audacieux d’un théâtre d’action à moitié jouée, à moitié racontée. La fable déploie un univers de forêts, d’étangs, de bords de mer et de maisons mystérieuses,  avec ses elfes, dieux et sirènes, auquel se mêle la trivialité sublimée d’une pelleteuse géante et de motos rugissantes. Un imaginaire à la fois traditionnel et contemporain, mythologique et enfantin.

L’imaginaire enfantin qui se décompose

Pour déployer cet univers, François Rancillac a choisi d’approfondir progressivement le champ de la scène, en mettant à bas des bâches qui ouvrent finalement sur la mer (et la mère). La métaphore, comme la pièce, est éloquente et touchante, filant l’imaginaire enfantin qui se décompose pour laisser place à une réalité plus médiocre et complexe, celle de la vraie vie. Cependant, dans cet ensemble intelligent et bien construit, quelque chose empêche d’être entraîné. Une dramaturgie bancale peut-être, où les indices laissent trop deviner le dénouement de l’histoire, où la succession rapide des péripéties affadit et parfois embrouille l’enjeu des scènes ? Le choix d’une action autant jouée que racontée « en direct » qui  pose traditionnellement des problèmes à la représentation ? Une interprétation irrégulière où l’on aimerait par exemple voir Antoine Caubet interpréter son rôle de sage cocu-conducteur d’engin avec plus de simplicité ? Un peu de tout cela sans doute et au total le sentiment d’une œuvre sensible et intelligente, mais trop peut-être, pour parvenir à construire une forme qui trouve son efficacité, à la croisée des chemins du récit traditionnel et du théâtre contemporain. A l’image d’énigmatiques et squelettiques pupitres qui se croisent étrangement sur scène, c’est un peu comme si, dans cette pièce, la partition de l’esprit avait pris le dessus sur celle de la chair.

Eric Demey

A propos de l'événement

Ma mère qui chantait sur un phare
du vendredi 15 février 2013 au samedi 16 février 2013
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1 place Bernard Palissy, 92100 Boulogne-Billancourt

Théâtre de l’Ouest Parisien à Boulogne-Billancourt les 15 et 16 février. Tél : 01 46 03 60 44
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