Docteur Camiski ou l’esprit du sexe (saison 1 – épisodes 1 et 2)
Pauline Sales et Fabrice Melquiot ont écrit, [...]
Jean Bellorini pousse la pièce de Ferenc Molnár vers le drame sentimental, avec une troupe généreuse et alerte.
« Sale gosse… Sale gosse dur et méchant, cher et tendre… Dors mon Liliom… » murmure Julie, si jeune, bientôt mère et déjà veuve. Liliom, son bonimenteur de foire, s’en est allé dans l’au-delà, coupant d’un coup de couteau dans le cœur le fil d’un destin plombé d’avance par tant et tant d’actes ratés et manque de chance. Hâbleur, bagarreur et charmeur, il avait quitté le manège et sa tenancière, Madame Muscat, avait renoncé à la vie facile, payé à tripoter les boniches pour faire tourner les têtes et les affaires. Il était parti donc, pour Julie peut-être, du moins pour la force et la pureté de son amour inconditionnel et l’horizon nouveau qu’il ouvrait. Cela n’aura pas suffi à le garder de lui-même. Désormais chômeur, il squatte avec elle la caravane d’une vieille tante photographe, traîne à longueur de journée et frappe à tout va quand les sentiments ou la rage le submergent. Même Julie prend des baignes. Drôle de bougre, vaurien épris de liberté, rebelle à la moralité amidonnée des normes bourgeoises, comme à sa condition de travailleur qui le condamne à la misère laborieuse… Ce bonimenteur en mal de mots a pourtant de la dignité. C’est ce qui en fait toute la complexe humanité.
La parole empêchée
Quand Ferenc Molnar signe cette pièce, en 1909, le monde a basculé dans l’ère industrielle. Le « petit peuple » convoite la promotion sociale et se divertit comme il peut. La fête foraine noie le quotidien grisâtre dans la clameur des sensations fortes et l’ivresse des joies désinhibées. Liliom est un de ces malheureux, mités par la pauvreté, la frustration, les malentendus face aux autres et à soi-même. Sauf qu’il fanfaronne toujours et revendique ses fautes en toute fierté. Le metteur en scène Jean Bellorini est à son aise dans cette ambiance foraine surannée : son esthétique a toujours un peu l’air de piocher dans les malles du théâtre d’antan. Là il se paie un beau décor d’autos tamponeuses. Le nouveau directeur du Théâtre Gérard Philipe excelle aussi dans la romance tragique, balançant habilement le spectateur entre scènes poignantes et gags décomplexés. On s’y laisse prendre d’ailleurs, embarqués par des comédiens qui ne manquent pas de générosité. Pas sûr que l’œuvre de l’auteur hongrois y trouve toutes ses résonances, tant dans la critique sociale que dans la parodie de la morale chrétienne. Mais rien que pour le final, bouleversant, on applaudit.
Gwénola David
Jusqu’au 12 octobre 2014, à 20h, sauf dimanche à 15h30, relâche le mardi. Tél. : 01 48 13 70 00. Durée : 2h. Le texte est publié aux Éditions Théâtrales.
Pauline Sales et Fabrice Melquiot ont écrit, [...]