Steam
A l’occasion de la sortie de l’album [...]
La Mouette, créée l’an dernier, continue son vol et se pose pour deux semaines sur le plateau du Théâtre des Amandiers. Frédéric Bélier-Garcia réunit d’indéniables talents mais ne parvient pas à les fédérer.
La grande actrice Irina Nikolaëvna Arkadina prend des vacances estivales dans sa propriété familiale, en compagnie de son dernier amour, le brillant et célèbre écrivain Trigorine. Sa renommée et sa réussite se nourrissent des repoussoirs dont elle s’entoure habilement : son frère, fonctionnaire retiré et homme raté, son fils, poète maudit et taraudé par le génie, et tous ceux qu’elle accueille parce qu’ils ne l’éclipsent pas. Deux mondes s’affrontent : celui, installé et déclinant, des aînés – où Arkadina refuse de se ranger par coquetterie – et celui de la jeunesse et des espoirs angoissés. Les plus vieux se cramponnent aux oripeaux de leur gloire ; les jeunes gens rêvent en fonçant aveuglément vers un destin qui les trahira. Le temps semble donc arrêté, et tous patinent sans avancer : Arkadina et Trigorine se gargarisent inlassablement de leurs succès, alors que Konstantin (le fils et poète maudit) et Nina (la jeune débutante) s’enlisent comme des albatros qui ne parviendraient pas à décoller. L’ambiance est à la neurasthénie et à l’énervement, à l’image de la triste mouette empaillée qui décore le salon.
Victoire de la mélancolie
Les comédiens donnent exactement cette impression de mélancolie et d’amollissement. Le jeu est mécanique et si chacun, dans sa partie, est brillant, tous sont isolés dans une interprétation individualiste de leur rôle. Le jeu et les costumes sont réalistes. Tous les comédiens ont, d’évidence, subtilement interrogé la psychologie des âmes mortes qu’ils incarnent. Pourtant, quelque chose pèche dans un ensemble qui ne parvient pas à arracher le spectacle à l’affliction existentielle qu’il décrit. Peut-être du fait du décalage entre les propositions de jeu et la proposition scénographique. Le décor imaginé par Sophie Perez et Xavier Boussiron exploite les possibilités de la tournette : la maison et le parc, comme l’avant-garde et la vieille garde, sont successivement en avant et en fond de scène, et les pièces de la maison changent de place au plateau, modifiant ainsi le point de vue sur le drame. Mais ce changement incessant – original en lui-même – ne s’accompagne pas d’une évolution dans le jeu, et même Nina (pourtant interprétée avec exaltation par Ophélia Kolb) demeure statique en ses émois. L’ennui naît alors de la monotonie, sans qu’on parvienne à mesurer s’il est l’objet ou le défaut du spectacle.
Catherine Robert
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