L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de Copi, mise en scène de Thibaud Croisy

« Le titre de la pièce est un trompe-l’œil. En réalité, elle n’est pas une pièce militante sur l’homosexualité mais s’intéresse plutôt à ce qu’il y a d’inexprimable dans tout corps, toute identité, et elle met en scène la difficulté, voire l’incapacité du langage à dire exactement ce qu’on est. C’est une comédie barbare, méchante, noire et mélancolique. Mystérieuse et énigmatique aussi. Écrite il y a cinquante ans, elle est toujours à contre-courant car elle donne à voir des identités en mouvement, impossibles à fixer et peut-être impossibles à dire. C’est une pièce sur le langage finalement, sur l’articulation entre la parole et le corps, et dans laquelle le corps est toujours en avance sur les mots, ou au-delà.

Mélange des genres

La pièce met en scène trois personnages : Irina, Madre et Garbo. La première est un être insaisissable qui refuse les assignations identitaires, tandis que les deux autres cherchent par tous les moyens à savoir qui elle est. À travers ces monstres, Copi mélange les genres : non seulement les genres sexuels mais aussi les influences et les traditions. La pièce est une sorte de mosaïque qui emprunte à la fois au Grand-Guignol, au théâtre de la cruauté, de l’absurde, à la comédie sentimentale ou au film policier. « Mes personnages sont des Arlequins », disait Copi. Au fond, c’est un théâtre élémentaire, fait avec peu de choses, peu de mots, mais qui produit paradoxalement une grande quantité d’images et de rêveries. On a souvent mis en scène Copi de façon folklorique, hystérique, réaliste. Or je pense que ce théâtre est aussi abstrait. La pièce est portée par un trio d’acteurs flamboyants qui tente de restituer les délices de cette abstraction. Et la distribution, qui réunit des comédiens aux parcours différents, cherche à traduire le métissage et l’hybridité de la dramaturgie de Copi. »

Propos recueillis par Catherine Robert