La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Critique

L’Homme à tête de chou

L’Homme à tête de chou - Critique sortie Danse
légende photo (crédit Guy Delahaye) : L’homme à tête de chou, le pari d’une rencontre relevé par Gallotta

Publié le 10 décembre 2009

Une affiche réunissant Gainsbourg et Bashung pouvait relever de l’évidence. Avec Jean-Claude Gallotta en troisième larron, c’est l’histoire d’un ballet qui s’écrit entre musique et danse, marqué par l’absence, mais dont le mouvement effervescent tente de combler tous les manques.

Une scène vide, noire, sans le moindre ornement, et un fauteuil resté vacant : Gallotta plante tout de suite le décor, celui d’un projet qui a dû grandir dans la souffrance, dans l’ombre de la maladie et la douleur d’une disparition survenue trop tôt. Ce que réussit le chorégraphe, c’est justement convier les deux musiciens – Gainsbourg et Bashung – en laissant sa place à chacun comme à la danse. Même sans le vouloir, la pièce porte en elle une dimension d’hommage, que Gallotta balaye dès la scène d’ouverture : devant cette chaise renversée, chacun vient tour à tour rendre un dernier mouvement, comme on se penche une dernière fois devant une dépouille. La comparaison s’arrête là, et Marilou peut arriver… Energique, puissante, échevelée, la danse franchit le plateau le plus souvent avec bonheur : grandes traversées, pas chassées, grands jetés, tout un vocabulaire dont la base classique éclate à chaque pas. Sans oublier les grands ensembles : à l’unisson et avec jubilation, les corps soutiennent et rythment ce qui se joue sous nos yeux, le drame d’un amour passionnel.

L’ivresse des sentiments et de la danse
Le chorégraphe a choisi de jouer le jeu de l’histoire racontée par Gainsbourg dans son album. Découpée en séquences au rythme des chansons, la danse n’use d’aucun artifice pour se plier à la narration : juste des rapports de corps, des Marilou et des Gainsbourg (ou des Bashung !) que porte chacun des interprètes en jeans, talons hauts, chemises ou petites culottes. Même en dépersonnalisant ainsi les protagonistes, les duos – exercice dont Gallotta est un adepte – mettent particulièrement en valeur la relation d’emprise de la femme sur l’homme. Sensuelle, aguicheuse, libérée, dissolue, la danseuse est une maîtresse-femme dont l’homme n’est qu’un jouet. Sous cet angle évidemment, l’issue décrite en chanson ne pouvait qu’être fatale. Gallotta la met en scène avec beaucoup de modération, après la débauche de mouvement et la fausse impudeur des plaisirs solitaires de Marilou. Voici donc une pièce conduite avec intelligence, qui, malgré les apparences, garde une certaine humilité par rapport à la danse, dont on reconnaît parfaitement l’empreinte. Un seul regret : la musique dont les orchestrations et les envolées paraissent parfois démesurées au regard de l’ensemble du spectacle. Parfois, une seule voix suffit.

Nathalie Yokel


Spectacle vu à sa création à la MC2 à Grenoble. L’Homme à tête de chou de Jean-Claude Gallotta, jusqu’au 19 décembre à 20h30, le dimanche à 15h, relâche le lundi, les 6 et 13 décembre, au Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin Rossevelt, 75008 Paris. Tel : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr

A propos de l'événement


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