La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse contemporaine - Critique

Une nouvelle et brillante génération reprend des œuvres majeures d’Angelin Preljocaj

Une nouvelle et brillante génération reprend des œuvres majeures d’Angelin Preljocaj - Critique sortie Danse Paris Théâtre National de la Danse de Chaillot
Un trait d’union d’Angelin Preljocaj © Didier Philispart

Théâtre National de la Danse de Chaillot / Chor. : Angelin Preljocaj

Publié le 25 janvier 2025 - N° 328

Annonciation, Un trait d’union, Larmes blanches, le Ballet Preljocaj réunit trois pièces des années 1980 et 1990 pour un magnifique programme emmené par de formidables danseurs et danseuses.

Pour la danse, art de l’éphémère, se pose avec plus d’acuité que pour d’autres disciplines la question du répertoire : comment continuer de faire vivre les pièces longtemps après leur création ? La captation vidéo est une solution qui n’est que partiellement satisfaisante puisqu’elle occulte la magie du spectacle vivant, l’instant précieux partagé par un public et des interprètes. À l’instar du Tanztheater de Wuppertal (Pina Bausch) ou de Rosas (Anne Teresa De Keersmaeker), nombre de compagnies plongent dans le vivier de leurs anciennes productions pour remonter et donner ainsi à (re)voir leurs œuvres majeures et parfois leurs gestes fondateurs. C’est le cas d’Angelin Preljocaj qui, après avoir repris son chef-d’œuvre Noces (1989), propose une soirée composée de trois courtes pièces des années 1980 et 1990. Le rideau s’ouvre sur Annonciation (1995), autre chef-d’œuvre d’une beauté bouleversante, et sur l’intimité d’une jeune femme assise en nuisette bleue dont un clair-obscur n’éclaire que le visage. Un moment paisible emmené par le Magnificat de Vivaldi et bientôt rompu par l’arrivée d’un ange Gabriel féminin aux mouvements secs et tranchants, qu’il bondisse, pointe le doigt au ciel ou se penche vers Marie, l’attirant à lui avant de l’emporter dans une danse effrénée puis de retrouver plus de rondeur pour l’étreindre.

Une écriture d’une précision et d’une exigence folles

Place ensuite au piano de Bach et au merveilleux Un trait d’union (1989), duo masculin dans lequel deux êtres esseulés cherchent éperdument en l’autre un antidote à leur isolement. À la lisière de la folie et dans une prise de risque maximale, ils se jettent dans les bras de leur alter ego pour finir tête en bas, semblent s’élever de terre corps tendu à l’horizontale, répètent des gestes de bras complexes comme absents à eux-mêmes. Enfin le très beau Larmes blanches (1985), la pièce la plus ancienne, clôt ce programme. Vêtus de pantalons de cuir noir et de chemises blanches à jabot, deux couples dessinent une carte de Tendre éminemment corsetée par la bienséance chère au XVIIe siècle. Ils enchaînent les mouvements élégants inspirés des danses classiques et baroques de façon mécanique dans des lignes tendues que viennent casser un poignet, dessinent des combinaisons savantes qui jouent du contrepoint avec le clavecin de de Bach ou de Purcell. Tout l’art de la composition et la précision de l’écriture d’Angelin Preljocaj brille dans cette soirée en trois temps qui donne l’occasion d’une plongée dans l’histoire de la danse comme de vérifier que les grandes œuvres, intemporelles, ne perdent rien de leur éclat avec le temps. La folle exigence de ses partitions qui multiplie les prouesses techniques tout en accélérant dangereusement le tempo se révèle également, poussant à rendre un hommage appuyé à ses quatre danseurs et danseuses Clara Freschel, Florette Jager, Antoine Dubois et Valen Rivat-Fournier, tous et toutes magnifiques.

Delphine Baffour

 

A propos de l'événement

Annonciation, Un trait d’union, Larmes blanches
du vendredi 24 janvier 2025 au vendredi 31 janvier 2025
Théâtre National de la Danse de Chaillot
1 place du Trocadéro, 75016 Paris

Les 24, 28, 29, 30 et 31 janvier à 19h30, le 25 à 17h et 20h30, le 26 à 15h. Tél. 01 53 65 30 00. Durée : 1h35.

Les Scènes du Golfe, Palais des Arts, place de Bretagne, 56000 Vannes. Les 28 et 29 janvier à 20h. Tél. 02 97 01 62 04.

Espace Jean-Marie Poirier, 1 esplanade du 18 juin 1940, 94370 Sucy-en-Brie. Le 31 janvier à 20h30. Tél. 01 45 90 25 12.

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