Les Tondues de Périne Faivre

Périne Faivre rappelle qu’entre 1941 et 1946, vingt mille femmes furent tondues sur les places publiques, dans l’ensemble du territoire français, accusées d’avoir eu des relations privilégiées avec les Allemands. Des millions de gens ont assisté à ces tontes. On préféra conserver l’image retenue de l’héroïne silencieuse de Vercors que celle de ces « collaboratrices horizontales », dont la stigmatisation permit de faire oublier la lâcheté quotidienne de nombreux Français, plus inquiets de trouver du saindoux au marché noir que soucieux du sort des juifs raflés. Dans les années qui suivirent la guerre, on jeta un voile pudique sur ces exactions, pendant lesquels les ricaneurs avaient eu beau jeu d’être encore du bon côté du manche… Toujours est-il qu’il reste des traces dans les mémoires familiales honteuses et que certains se souviennent encore des accroche-cœurs tombés sur le pavé.

La belle qui couchait avec le roi de Prusse… 

« Il faudra chercher entre les pierres de la ville, interroger les silences de tous ceux qui se sont tus.
Il faudra tenter de comprendre ce qu’il s’est passé parce que c’est notre histoire et que parfois l’histoire recommence. » dit Périne Faivre, dont le projet est de mener, au croisement des arts, une enquête intime et historique. Cinq artistes croisent théâtre, danse et musique : « mots, corps et mélodies se mêlent entre fiction et mémoire pour un moment plein de rage, d’amour et de mélancolie ». Les spectateurs sont invités, au moment de réserver leur billet pour le spectacle, à rejoindre un endroit de la ville, un peu comme on dut se donner le mot pour assister aux humiliations publiques de l’épuration… Un piano roulant et des silhouettes de papier collées sur les murs : celles de ces femmes, auquel ce spectacle rend, sinon un nom, au moins le visage sur lequel dégoulinèrent les crachats…

Catherine Robert