Clôture de l’amour
C’est la fin, la fin d’une histoire entre [...]
Thomas Ostermeier présente son premier spectacle en français au Théâtre Nanterre-Amandiers. Il met en scène Les Revenants, de Henrik Ibsen (l’un de ses auteurs fétiches), dans une nouvelle version qu’il cosigne avec Olivier Cadiot. Une création troublante et sinueuse.
Une grande table entourée de quelques chaises. Ailleurs, un sofa, un fauteuil, un tapis de salon. Une scène qui tourne, à allure modérée. Une cloison et des murs sur lesquels sont projetées des images vidéo : paysages, herbes balancées par le vent, visages d’hommes et de femmes filmés depuis le plateau, en gros plan, qui nous fixent. Et donc, ces êtres – une mère, un fils, une domestique, un pasteur, un menuisier – qui s’affairent, évoquent le passé, font ce qu’ils peuvent avec le présent, luttent contre des fantômes qui reviennent de loin, contre des secrets qui pèsent. Des êtres d’aujourd’hui, que Valérie Dréville, Eric Caravaca, Jean-Pierre Gos, François Loriquet et Mélodie Richard – remarquables – rendent à la fois denses et filandreux, distincts et opaques. Car dans cette version des Revenants signée Thomas Ostermeier, la sombre histoire de famille imaginée par Henrik Ibsen se dévoile de façon organique.
Une représentation à diffusion lente
Elle suit la double cadence d’une représentation à diffusion lente, qui s’imprègne en nous secrètement, comme sourdement. Tout commence par une première partie d’une retenue et d’une lenteur consommées. Ensuite, les choses s’accélèrent, pour subitement se cabrer et voler en éclat. Une forte déflagration fait déferler les remous intérieurs des uns et des autres. Entre le poids de l’instant et celui du passé, mère et fils se débattent pour tenter d’échapper à l’ombre et à l’hérédité du père disparu. Et puis les masques tombent, mais sans révéler tous les arcanes de ces personnalités troubles. D’une exigence extrême, la mise en scène du directeur de la Schaubühne ne joue d’aucune facilité, d’aucun artifice. Elle met en jeu les instruments nécessaires à l’exploration de cette vérité de l’intime, pénètre au cœur d’un présent irrigué par l’humain. Cherchant à révéler plutôt qu’à mettre en pleine lumière, cette vision contemporaine de la pièce d’Ibsen finit de grandir en nous bien après la fin de la représentation. Elle continue longtemps à imprimer sa marque, à nourrir nos impressions sur les profondeurs de l’être qu’elle a mises en mouvement.
Manuel Piolat Soleymat
C’est la fin, la fin d’une histoire entre [...]