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Les nouvelles règles du jeu

Les nouvelles règles du jeu - Critique sortie Classique / Opéra
L’Orchestre de Picardie sera-t-il menacé dans le cadre de la réforme territoriale et de la nouvelle région Nord-Pas-de-Calais Picardie ? © Ludovic Leleu.

GROS PLAN / ORCHESTRES EN REGION

Publié le 26 septembre 2015 - N° 236

Confrontés à des baisses de subventions et à un vieillissement du public, les orchestres français doivent se réinventer. Au menu : actions culturelles, projets pluridisciplinaires et nouveaux formats de concerts.

Les orchestres français ont longtemps été moqués pour leur atonie. Programmes prévisibles (la sacro sainte trilogie ouverture-concerto-symphonie), musiciens jouant au fond de la chaise et public plus endormi qu’éveillé. Cette situation a d’ailleurs permis l’émergence des ensembles baroques, offrant une vitalité salutaire à travers une approche dépoussiérée du répertoire. Mais la crise change la donne. Avec du retard, notamment par rapport aux pays anglo-saxons où les orchestres sont davantage dépendants de leurs recettes propres, les phalanges françaises prennent depuis quelques années un nouveau tournant. A commencer par la programmation, qui gagne (enfin !) en diversité.

Historiquement informé

Après avoir eu peur de la concurrence des formations sur instruments anciens, les orchestres invitent désormais des chefs baroqueux pour apprivoiser le style historiquement informé. Au programme : vibrato minimal, cordes à vide et parfois même timbales en peaux. Cette saison, on pourra ainsi retrouver Ton Koopman, organiste et fondateur de l’Orchestre baroque d’Amsterdam, avec l’Orchestre national de Lyon ou encore le chef italien Rinaldo Alessandrini avec l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. On voit en parallèle programmer de plus en plus d’œuvres rares, parfois aussi pour des raisons financières lorsqu’il s’agit d’obtenir l’aide de la Fondation Bru Zane (qui soutient la diffusion du répertoire romantique français). Par contre, la musique contemporaine reste elle peu programmée, sans doute la crise a-t-elle encore augmenté la frilosité à l’égard de la création. On mettra d’autant plus en avant les orchestres qui misent sur ce terrain, comme l’Orchestre symphonique de Mulhouse et Patrick Davin (avec notamment une création de Zad Moultaka) ou l’Orchestre national des Pays-de-la-Loire et Pascal Rophé (avec un beau focus consacré à Pascal Dusapin).

Crossover

Ce qui a par contre le vent en poupe, ce sont les programmes crossover. Le but est clair : il s’agit de draguer les publics des autres musiques – un enjeu de taille quand on sait que, selon l’étude du sociologue Stéphane Dorin, la moyenne d’âge du public de musique classique est de 62 ans. L’Orchestre de Bretagne a lancé une série entière dédiée à ce type de projets (joliment intitulée « L’orchestre se lâche ») et propose ainsi une rencontre avec la clarinette klezmer de David Krakauer ou avec le musicien folk Dan Ar Braz, sans oublier sa participation au Festival Interceltique de Lorient. Ces croisements sont toujours risqués : entre le mariage réussi et la rencontre démago, la frontière est parfois ténue. Dans la même veine, les projets avec d’autres disciplines artistiques se multiplient, comme en témoigne l’essor des ciné-concerts ou la belle création de l’Orchestre de Dijon avec la compagnie de cirque Manie.

 

Des concerts courts

 

Au-delà du contenu, les orchestres s’attaquent maintenant à la forme même des concerts. On change les horaires, comme à l’Orchestre national de Lyon où la formule des concerts expresso du midi rencontre toujours un large succès. Les concerts d’une heure sans entracte sont à la mode – la jurisprudence Folle journée, où René Martin a instauré ce principe, faisant foi. On change aussi les lieux, avec de plus en plus de concerts hors les murs (par exemple quand l’Orchestre national de Lille va jouer au Grand Sud Le Sacre du printemps de Stravinsky avec une chorégraphie hip-hop). Les orchestres montrent ainsi qu’ils s’inscrivent au cœur même de la société. D’où aussi le développement des actions dites culturelles, à la fois pédagogiques et sociales. Les musiciens vont en petite formation dans les écoles, les centres hospitaliers, les prisons… Des efforts sont encore à faire, notamment quand on constate que la plupart de ces concerts sont dirigés par de jeunes chefs et non par le directeur musical. Reste à savoir si ces changements suffiront à maintenir en activité l’ensemble des orchestres français. Le contexte politique est incertain, avec notamment en ligne de mire l’impact de la réforme territoriale sur le paysage culturel. La nouvelle carte des régions réduira-t-elle celle des orchestres ?

 

Antoine Pecqueur

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