Les Misérables texte de Chloé Bonifay et Lazare Herson-Macarel, d’après Victor Hugo, mise en scène de Lazare Herson-Macarel
Puisque persistent la faim, l’exploitation, [...]
Ce familier de Dostoïevski qu’est le metteur en scène Sylvain Creuzevault réserve, avec cette adaptation pour la scène du dernier roman de l’écrivain russe, plus de surprises encore qu’à l’accoutumée. L’interprétation inédite de l’œuvre qui tire la tragédie vers la farce est formidablement servie.
Le metteur en scène, qui n’en est pas à sa première adaptation d’un roman de Dostoïevski – Les Démons (2018) et Le Grand Inquisiteur (2020) –, possède son sujet. Il s’en amuse. Et nous amuse au point de nous abuser. Qui, dans l’œuvre, croyant la connaître, a pu voir ce qu’y voit le metteur en scène ? Ainsi il s’interroge : « Ai-je mal lu « Les Frères Karamazov » ? ». Là où d’aucuns s’accordent pour la regarder comme un « testament philosophique », lui l’a lue « comme une blague ». La métamorphose de point de vue est, à proprement parler, époustouflante. Ce qu’elle entraîne ne l’est pas moins. Le déplacement de focale dans le passage du texte au plateau en témoigne d’abord. Dans la fratrie Karamazov composée de trois frères, Dmitri, Ivan et Alexeï, nés de deux lits différents et d’un quatrième enfant putatif, le bien nommé Smerdiakov, tous, pour différentes raisons, exception peut-être faite d’Alexeï (Aliocha), sont susceptibles d’avoir tué le père, Fiodor. Alors que le roman fait d’Aliocha son héros, avec la complexité et les ambiguïtés propres aux personnages dostoïevkiens, Sylvain Creuzevault choisit de polariser sa mise en scène sur Smerdiakov, personnalité des plus équivoques sur laquelle pèse, plus que sur les trois autres, ce paternel calamiteux.
Des interprètes remarquables
Pour autant le désigne-t-il comme coupable ? Rien n’est moins sûr. La fidélité à l’œuvre passe par d’autres arcanes. Savantes. Explorant notamment le thème de la responsabilité collective du parricide. Jouant dans la veine singulière qui lui est propre, au débit soutenu, poussée ici dans les retranchements d’un parricide symbolique, le père pouvant être ici la figure tutélaire de l’auteur que le metteur en scène abandonne. Comme si, après ces Frères Karamazov, Dostoïevski pouvait reprendre le chemin de la bibliothèque. Sylvain Creuzevault prend avec cette adaptation un malin plaisir proche d’une jubilation de garnement. Communicative. Les rires sporadiques secouant une salle tombée sous le charme transgressif de ses audaces en sont l’expression. L’appropriation par les acteurs de la matière romanesque et des personnages par le biais de cette intention originale laisse entendre la part vivante du travail d’improvisation réalisée en amont au plateau. Les prestations respectives sont, à tous égards, remarquables. Elles nous attachent durablement à cette version en forme de reconfiguration du regard.
Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens
Du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h. Relâche le dimanche 24 octobre. Tél : 01 44 85 40 40. L’Empreinte, Scène Nationale Brive-Tulle – théâtre de Brive, Place Aristide Briand, 19 100 Brive-La-Gaillarde. Le mardi 23 et le mercredi 24 novembre 2021 à 19h. Tél : 05 55 22 15 22. Durée : 3h15 (avec un entracte). Avec le Festival d’Automne à Paris.
Également
Janvier 2022 : du 12 au 14 au Théâtre des 13 vents – CDN de Montpellier.
Février 2022 : Le 17 et le 18 au Points communs – Scène nationale de Cergy-Pontoise.
Mars 2022 : du 11 au 19 au Théâtre national de Strasbourg, le 24 et le 25 à Bonlieu – Scène nationale d’Annecy.
Avril 2022 : le 13 et le 14 à La Coursive – Scène nationale de La Rochelle.
Puisque persistent la faim, l’exploitation, [...]