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Théâtre - Critique

Léna Bréban met en scène « Sans famille » : une belle adaptation portée par l’amour du théâtre

Léna Bréban  met en scène « Sans famille » : une belle adaptation portée par l’amour du théâtre - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Vieux-Colombier
© Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française Sans famille mis en scène par Léna Bréban

Théâtre du Vieux-Colombier / Texte d’après Hector Malot / Mise en scène de Léna Bréban

Publié le 22 novembre 2024 - N° 327

Trois ans après sa création par Léna Bréban, la Comédie-Française reprend avec bonheur Sans famille. Classique et efficace, cette adaptation du célèbre roman d’Hector Malot plonge petits et grands dans les aventures humaines et artistiques de Rémi, tout en donnant à voir avec subtilité les artifices du théâtre.

Depuis sa publication en 1878, le roman Sans famille d’Hector Malot a connu des aventures, des transformations plus grandes que celles de son protagoniste central Rémi, enfant abandonné vendu par son père adoptif à un artiste ambulant du nom de Vitalis. Si dans le livre original le petit garçon ne fait que sillonner la France et l’Angleterre, l’attrait que suscite le récit initiatique lui fait visiter bien d’autres contrées. Il se retrouve à plusieurs reprises au Japon, grâce à des producteurs de films et séries qui voient en lui un héros idéal pour la jeunesse locale. En 1984, il connaît une existence russe dans le cadre d’un feuilleton télévisé, ou encore une vie marocaine en 2014 dans une autre série. Avec l’adaptation théâtrale qu’elle réalise en 2021 avec la troupe de la Comédie-Française, Léna Bréban prouve que Rémi n’a rien perdu de sa capacité à s’incarner encore de manière efficace et sensée pour les jeunes générations. Grâce à la précision du jeu des comédiens-français et à une mise en scène simple et efficace, ce Sans famille-là renoue avec l’histoire originale de l’enfant voyageur. Sans chercher à reconstituer précisément au plateau une atmosphère XIXème siècle, la metteure en scène et son équipe – en particulier la scénographe Emmanuelle Roy et la costumière Alice Touvet – font exister avec force leur imaginaire lié à ce passé.

L’art comme foyer d’adoption

Léna Bréban dit avoir voulu donner à son spectacle l’allure d’une œuvre colorisée à partir d’une base en noir et blanc. Et c’est bien l’effet que produisent ensemble les vieilles boiseries du décor, tous les objets qui se succèdent sur scène grâce à une tournette pour marquer les différentes étapes du périple de Rémi ou encore les vêtements à la coupe sans âge que portent les acteurs. S’il se donne quelques airs de réel, ce Sans famille exhibe aussi volontiers son artificialité, chose d’autant plus appréciable pour un spectacle qui s’adresse en priorité au jeune public. En confiant le rôle-titre à Véronique Vella, qui s’en saisit avec grâce, Léna Bréban place au centre de sa pièce la distance qui sépare le régime théâtral du réel. Les êtres bons et mauvais que l’enfant rencontre sur son chemin nous apparaissent pour beaucoup comme des figures qui confinent à la caricature. Échappent toutefois à ce traitement les compagnons les plus proches de Rémi, à commencer par Vitalis, auquel Thierry Hancisse donne une belle profondeur, à la fois généreuse et blessée. Le singe Joli-Cœur est quant à lui incarné par une marionnette fort délicatement manipulée par Jean Chevalier qui a appris cette technique de Christian Hecq pendant les répétitions. Le choix de confier le rôle du chien Capi à Bakary Sangaré est plus contestable car l’humanisation de l’animal  n’est guère des plus heureuses. Soudé par la puissance du théâtre et de la musique qu’il pratique sur la route, le petit groupe réussit toutefois à dire la puissance de l’art comme remède au désespoir. Intelligemment resserrée sur les épisodes les plus importants du roman de 400 pages, l’adaptation de Léna Bréban est portée par l’amour du théâtre qui permet au héros de rester en vie.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

du mercredi 20 novembre 2024 au dimanche 5 janvier 2025
Théâtre du Vieux-Colombier
21 rue du Vieux-Colombier, 75006 Paris

du mardi au samedi à 19h, dimanche à 15h. Tél. : 01 44 58 15 15. Durée : 1h40.

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