La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2014 Entretien François Deschamps

L’éducation par l’art : agir à tous les niveaux !

L’éducation par l’art : agir à tous les niveaux ! - Critique sortie Avignon / 2014
François Deschamps

Idées / L’éducation artistique

Publié le 23 juin 2014 - N° 222

François Deschamps a longtemps œuvré pour l’Education Artistique et Culturelle (EAC), que ce soit à la FNADAC (Fédération Nationale des Associations des Directeurs des Affaires culturelles des Collectivités territoriales), ou au sein de collectivités. Il revient pour nous sur la réforme des rythmes scolaires et l’EAC, et sur l’implication des acteurs du territoire.

Les deux ministères de la Culture et de l’Education Nationale poursuivent-ils les mêmes ambitions et les mêmes objectifs pour l’EAC ?

François Deschamps : Le ministère de la Culture a une volonté et des objectifs qui semblent plus affirmés, et ce n’est pas parce que l’Education Nationale a envie d’avancer que c’est ce qui se passe. Il faut considérer ce ministère avec le poids des organisations syndicales, qui ont aussi une influence au niveau des négociations. On l’a vu avec la circulaire interministérielle sur les parcours culturels[1] qui a évolué après différentes moutures. On sait pourquoi : il y a toujours cette résistance des enseignants face aux interventions extérieures. Il faut quand même reconnaître une avancée, car pour la première fois dans une loi sur la refondation de l’école, il y a un article qui explicitement parle d’un parcours d’EAC, même si tout le monde ne met pas la même chose sur le même mot. On sent bien que persiste cette difficulté de reconnaître la notion de l’éducation par l’art, et pour l’art. Pèse encore l’idée qu’il faudrait toujours se rapporter aux programmes, aux apprentissages cognitifs… Mais on avance doucement.

« Je suis un adepte de l’EAC avant tout sur le temps scolaire, touchant toute une classe d’âge. »

Les ateliers mis en place dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires peuvent-ils être une vraie réponse pour le développement de l’EAC ?

F. D. : Je suis un adepte de l’EAC avant tout sur le temps scolaire, touchant toute une classe d’âge. Cela me semble important de garder cette idée, sinon, on sait très bien qui participe à des ateliers sur la base du volontariat… La réforme des rythmes scolaires peut être une bonne chose, mais en complément de l’EAC. Au niveau des départements de l’Hérault et de la Haute-Savoie dans lesquels j’ai pu développer une politique, nous avons tenu bon à chaque fois avec les élus sur le fait de maintenir cette politique au niveau des classes en partenariat étroit avec l’Education Nationale et les DRAC, quelles que soient les réformes en cours. Le risque de tout ça, c’est une politique à deux vitesses.

Cette réforme a donné aux communes un rôle primordial. N’ayant pas toutes les mêmes moyens ni les mêmes configurations, cela ne pose-t-il pas le problème de la généralisation et de l’égalité d’accès à la culture ?

F. D. : Je m’inscris en faux là-dessus pour plusieurs raisons. D’abord parce que je pense que l’idée que l’Etat est le garant de l’égalité est toute relative. D’autre part, c’est exact qu’il y a des collectivités de niveaux différents, mais tout est question de volonté politique. Nous sommes dans un mouvement, en effet, où l’intercommunalité doit pouvoir jouer son rôle. Il y a beaucoup d’endroits en territoires ruraux où les communautés de communes ne se sont pas encore emparées de ces questions-là. Cependant, je crois beaucoup en l’émulation, entre des communes dynamiques et d’autres qui pourraient se dire qu’elles vont essayer de réussir comme les autres réussissent, plutôt que se focaliser sur les différences territoriales.

Que pensez-vous des artistes qui préconisent de déscolariser l’éducation à l’art ?

F. D. : La déscolarisation de l’éducation à l’art (et par l’art) serait un réel retour en arrière après tant d’années d’efforts pour faire entrer justement l’apprentissage de la sensibilité artistique à l’école au même titre que les apprentissages cognitifs. L’art à l’école est un gage de démocratisation, permettant aux enfants de toute une classe d’avoir la chance, un jour, de s’ouvrir à une expérience sensible, esthétique et symbolique. Bien sûr, cela ne suffit pas, et il faut tout autant qu’existe un environnement riche d’un point de vue culturel autour de l’école… Donc la déscolarisation de l’EAC serait une grossière erreur. Pour autant l’intervention d’artistes à l’école doit se faire sur la base de leur désir et de leurs compétences en la matière, d’où l’intérêt de développer des formations associant artistes et enseignants (telles que le font l’ANRAT à Avignon ou l’ARIA en Corse). Il n’y a qu’en faisant et en essayant d’améliorer les dispositifs qu’on arrivera à quelque chose d’intéressant. Cette complexité peut faire peur à certains, mais c’est une ambition passionnante.

 

Propos recueillis par Nathalie Yokel

 

[1]    circulaire interministérielle n° 2013-073 du 9 mai 2013

A lire : Education artistique, l’éternel retour ? Una ambition nationale à l’épreuve des territoirespar Marie-Christine Bordeaux et François Deschamps  (Editions de l’Attribut, juillet 2013)

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