Grand symposium : tout sur l’amour
Depuis leur Conférence créée en 2005, Emma la [...]
Pour lui, « tout langage a lieu dans l’espace : l’espace de la page, celui de la scène, celui du corps de l’acteur, celui du corps du lecteur… ». Valère Novarina présente Le Vivier des noms, créé au Festival d’Avignon en 2015. Un texte qui montre « la part des mots qui nous asservit et celle qui nous délivre ».
« Il faut retrouver des zones érogènes dans le langage, redéployer l’éventail charnel de notre langue. »
Comment pourriez-vous caractériser le rapport qui vous lie aux mots, au langage ?
V. N. :Ça, c’est le fond de l’affaire, si je puis dire ! Je considère le langage comme une onde qui va en direction du public, qui se répand, qui passe d’un spectateur à l’autre, qui se répercute contre les murs, qui évolue dans l’air, en passant par la matérialité de la voix des acteurs… Pour moi, le langage est la chose fondamentale. Je n’ai pas l’impression de me servir du langage comme d’un instrument, mais comme d’une matière qui, d’elle-même, va parler. D’une certaine façon, c’est comme si je me trouvais en face d’un bloc que je devais révéler. En poussant les choses un peu loin, il m’est arrivé d’écrire que le langage était inhumain. Je veux dire par là qu’il nous dépasse largement. Je crois que l’on vient au théâtre pour voir le langage résonner. A travers le poème public que peut être le théâtre, les aspects très subtils et profonds du langage peuvent devenir le trésor de tout le monde : le trésor des lettrés comme des spectateurs qui n’ont jamais rien lu. Je crois beaucoup à une science cachée, à un souveni enfoui en chacun de nous.
Considérez-vous votre théâtre comme un théâtre populaire ?
V. N. :Oui, car il s’adresse à toutes sortes de spectateurs. Il n’y a pas besoin d’être agrégé ou d’avoir fait une psychanalyse pour assister à mes spectacles ! D’ailleurs, ce que je trouve très important, c’est le mélange du public. Si dans une salle de théâtre, on n’a que des instituteurs, que des bouchers ou que des garagistes, rien ne peut avoir lieu. Au théâtre, on vient pour se rassembler, pour entendre ensemble des choses plurielles auxquelles chacun réagit très différemment. Les moments les plus beaux, au théâtre, naissent lorsqu’on ne perçoit, parmi les spectateurs, que des émotions singulières. Ça n’arrive pas très souvent, mais c’est toujours très émouvant. Les émotions ne doivent pas être dictées. J’aime les spectacles à émotions libres, finalement. J’ai horreur des ambiances, des climats.
Diriez-vous que votre théâtre est un théâtre non narratif, non figuratif ?
V. N. :Oui sûrement. Parfois, je me dis que c’est le rythme qui raconte. En tout cas, dans mon théâtre, les choses se racontent ailleurs. Je cherche des moments de vérité entre les acteurs et le texte. Dans une époque où les mots deviennent des idoles, je crois qu’il faut les remettre en mouvement, les remettre dans la combustion de la respiration. Je crois qu’il faut retrouver des zones érogènes dans le langage, redéployer l’éventail charnel de notre langue.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
Mardi et vendredi à 20h30, mercredi, jeudi et samedi à 19h30, dimanche à 16h. Tél : 01 55 48 91 00. Durée : 2h20.
* A lire : L’organe du langage, c’est la main, dialogues de Valère Novarina et Marion Chénetier-Alev, Argol éditions, 2013.
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