Le Théâtre libre de Minsk en résidence à Alfortville : trois semaines de maquis.

Le gouvernement biélorusse interdit au Théâtre Libre de Minsk de louer un
plateau, de vendre des places, de trouver un lieu de répétition, ferme les lieux
qui accueillent ces artistes et menace leurs propriétaires, fait subir des
pressions permanentes à ceux qui coopèrent avec ce collectif. Le metteur en
scène Vladimir Scherban a été renvoyé du Théâtre dramatique national et tous ses
spectacles ont été exclus du répertoire des théâtres biélorusses ; trois des
acteurs de la troupe ont été licenciés par les Théâtres d’Etat où ils
travaillaient ; certains membres du Théâtre libre ont été condamnés à des
amendes ou emprisonnés. Comment l’art résiste-t-il sous la dictature ? « Nous
avons créé un système de représentations dissimulées, explique Nikolaï
Khalézin. La personne qui veut voir un spectacle doit connaître le portable
de notre manager, ensuite ce numéro est communiqué d’un individu à l’autre. La
personne qui appelle est inscrite sur une liste, et un jour avant la
représentation, on la rappelle et on lui dit où et à quelle heure venir. A
l’endroit où cette personne arrive, on l’attend et on la reconduit avec d’autres
venus, par petits groupes, vers le lieu de représentation. Parfois, pour pouvoir
jouer un spectacle, on recourt à différentes astuces : on loue un bar sous
prétexte d’y fêter un anniversaire ; on donne une représentation sur la terrasse
recouverte d’un bistro situé dans une rue très animée ; on joue des spectacles
dans une sorte de ferme isolée, située en pleine forêt, en faisant semblant de
fêter un mariage? »

Fer de lance de la scène indépendante biélorusse, ce collectif de comédiens
et de dramaturges, emmené par Nikolaï Khalézin et Natalia Koliada, aborde les
tabous et les interdits que la dictature refuse de voir mis en scène. Parmi les
quatre spectacles accueillis au Théâtre-Studio, l’autobiographique Génération
Jeans, un manifeste autant qu’un symbole. « A l’époque soviétique, on ne
pouvait pas trouver en vente des jeans ou des vinyles, considérés comme
attributs d’une société occidentale libre. Chaque personne ayant un jean dans sa
garde-robe devenait automatiquement complice du monde occidental. Du temps a
passé depuis, mais en Biélorussie, laquelle est mentalement revenue à l’époque
soviétique, les jeans sont redevenus symboles de la liberté. », explique
Nikolaï Khalézin. Etat policier, mise au pas des libertés et censure faite aux
intellectuels et aux artistes : le pays des droits de l’homme a trois semaines
pour découvrir en direct le goût amer de la dictature?

Catherine Robert

Le Théâtre libre de Minsk en résidence au Théâtre-Studio. Du 15 mai au 2 juin
2007. Technique de la respiration dans un espace sans air, de Natalia
Moshina ; mise en scène de Vladimir Scherban. Du 15 au 19 mai à 21h.
Génération jeans, texte, mise en scène et interprétation de Nikolaï Khalézin.
Le 19 mai et le 2 juin à 15h, les 22, 26 et 28 mai à 21h. Nous
indentification. Belliwood, de Konstantin Seshik, Pavel Rassolko et Pavel
Priazhko ; mise en scène de Vladimir Scherban. Du 29 mai au 2 juin à 21h.
Oxygène, d’Ivan Viripaev ; mise en scène de Galin Stoev. Le 25 mai à 21h.
Théâtre-Studio, 16, rue Marcelin-Berthelot, 94140 Alfortville. Réservations au
01 43 76 86 56.