La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2023 - Entretien

« Le Songe » selon Gwénaël Morin

« Le Songe » selon Gwénaël Morin - Critique sortie Avignon / 2023 Avignon Festival d’Avignon. Jardin de la rue de Mons
Gwénaël Morin © Gwénaël Morin

Jardin de la rue de Mons / texte de Shakespeare / adaptation et mise en scène de Gwénaël Morin

Publié le 14 juin 2023 - N° 312

Premier opus de Démonter les remparts pour finir le pont, projet de constitution en quatre ans d’un répertoire avignonnais intra et extramuros, Le Songe s’affirme comme comédie de la maturité, son seul âge possible, selon Gwénaël Morin.

Pourquoi Démonter les remparts pour finir le pont ?

Gwénaël Morin : Ce projet pourrait s’apparenter au troisième moment de ma compagnie Théâtre Permanent, commencé à Aubervilliers et poursuivi à Lyon. À l’invitation du festival d’Avignon, j’ai d’abord réfléchi à une action concrète : quel service rendre aux habitants de la ville ? Je suis parti de l’évidence à la fois absurde et drôle de remparts inutiles et d’un pont inachevé. On pourrait prendre les pierres des murs et terminer le pont. Cette ironie résonne avec ma vocation théâtrale : comment transformer ce qui nous sépare, nous domine, nous impressionne, comme les remparts, en quelque chose qui émeut et relie ? Comment faire des ponts ? J’ai d’abord eu le projet de m’installer à Avignon pour y monter plusieurs spectacles, comme m’y invitait le principe du théâtre permanent, en répétant l’hiver dans différents quartiers, pour ensuite venir présenter le résultat à l’intérieur des remparts. Mon travail est fondé sur la foi que le théâtre provoque des relations inédites entre les gens, créant un espace public intense où les imaginaires convergent. En ce sens je m’inscris à la fois dans l’hommage, l’admiration, la fascination pour l’utopie de Vilar, dans sa filiation, dirais-je, même si je me sens un fils contradictoire parfois ! Mais la difficulté d’une telle ambition a modifié la perspective, désormais déployée sur quatre ans.

« Pour atteindre la comédie, il faut accepter d’être le jouet de son propre destin, et pour cela, il faut l’avoir traversé. »

Pourquoi Shakespeare ? Pourquoi Le Songe ?

G.M. : Cet été, la langue à l’honneur est l’anglais. Si on additionne anglais et théâtre, on obtient Shakespeare ! Comme nous jouons dans le jardin de la Maison Jean-Vilar, comme c’est l’été, comme c’est un rêve d’être invité à Avignon, l’équation se simplifie encore : le jardin, l’été, la nuit, la promesse, le fantasme, c’est Le Songe d’une nuit d’été ! C’est une pièce sur le désir. Une question me taraude : celle de toujours réinterroger mon désir originel d’artiste. Voilà pourquoi j’ai voulu me lancer dans le bois sauvage de la nuit de Shakespeare pour éprouver ce qu’il en reste. Ici, je voulais prendre davantage de liberté, renouveler ma relation avec les acteurs. Il m’a donc semblé juste de le faire avec des compagnons de longue date, et ce dans le cadre d’une comédie.

Pourquoi ?

G.M. : Je n’arrive pas à faire du théâtre avec du recul. Je suis toujours embarqué, dans l’aveuglement de la confrontation avec une étrangeté qui me résiste. La métaphore peut sembler guerrière, mais elle est surtout productrice d’une énergie que mon travail consiste à transformer en une joie enfantine, pour rendre compte de la vie possible au sortir de cette confrontation. Je ne sais pas vraiment ce qu’est la comédie, mais je crois que l’on ne peut pas y prétendre d’emblée. Pour l’atteindre, il faut accepter d’être le jouet de son propre destin, et pour cela, il faut l’avoir traversé. Il faut trébucher dans sa tragédie pour faire une comédie. Disons que cette capacité à refaire est à la fois théâtrale et existentielle. Traverser d’abord la tragédie pour la jouer à nouveau et s’apercevoir que parce qu’on l’a traversée, c’est qu’elle est vivable et peut être drôle. Voilà aussi pourquoi j’ai choisi des comédiens qui ont mon âge et qui savent qu’à 50 ans, on est moins affirmatif et radical qu’à 25, parce qu’on a déjà éprouvé tragiquement sa possibilité d’être. Ce qui ne fait pas rire la première fois est comique la deuxième. On n’aime qu’à partir de la deuxième fois, disait Camus.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Songe selon Gwénaël Morin
du samedi 8 juillet 2023 au lundi 24 juillet 2023
Festival d’Avignon. Jardin de la rue de Mons
Maison Jean-Vilar, rue de Mons, 84000 Avignon.

à 21h30 ; relâche le 12 et le 19. Tél. : 04 90 14 14 14. Durée : 1h45.

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