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Pour sa première mise en scène d’une pièce de Molière, Alain Françon s’empare du Misanthrope, qu’il situe dans l’antichambre atemporelle d’un lieu de pouvoir. Avec, dans le rôle-titre, le comédien Gilles Privat.
Qu’est-ce qui vous a tenu si longtemps éloigné du théâtre de Molière ?
Alain Françon : Tout d’abord, le cadre de programmation des théâtres que j’ai dirigés. Je veux parler de La Colline, dont la mission est de mettre en lumière des œuvres contemporaines. Avant cela, il s’est trouvé que certains metteurs en scène dont j’étais proche, comme par exemple Roger Planchon, montaient les pièces de Molière plutôt bien. Et puis je crois que, dans le fond, ce théâtre ne m’intéressait pas vraiment…
Pourquoi cela ?
A.F. : Je suis conscient de mon incapacité à le lire. Il y a toute une partie de l’écriture de Molière, toutes les considérations qui concernent la famille et la bourgeoisie – le petit chat, le poumon, le mari sous la table, les servantes à la langue bien pendue… – dont je me suis toujours senti étranger. Ces choses ne font pas partie de mon histoire. Finalement, le seul véritable souvenir que j’ai de Molière vient du Misanthrope. Il s’agit d’une conversation très animée que j’ai eue avec mon professeur de français de classe de première qui disait qu’Alceste était un ridicule. Moi, je trouvais au contraire qu’il s’agissait d’un personnage romantique. J’avais lu la Lettre à d’Alembert de Rousseau. Je défendais Alceste avec obstination.
Quelle vision du Misanthrope souhaitez-vous présenter aujourd’hui ?
A.F. : J’ai eu envie de travailler cette pièce dans un lieu qui est un non-lieu, une antichambre que fréquente la grande noblesse du royaume. J’ai tenté de comprendre comment, juste avec le langage, par le seul pouvoir d’un mot du roi, le matin on pouvait être parmi les grands et le soir n’être plus rien. Le Misanthrope est une pièce très particulière dans l’œuvre de Molière. Alceste exprime une critique extrêmement forte de l’absolutisme en train de naître. J’ai essayé de porter un regard neuf sur chaque personnage. Je ne veux pas dire que je suis le plus intelligent et que j’ai tout découvert, mais j’ai voulu prendre des distances avec une tradition de représentation que je ne trouve pas toujours juste. J’ai attendu 40 ans avant d’aborder le théâtre de Molière, ce qui je crois me permet d’avoir une vision plus franche, plus nette de la complexité qui traverse Le Misanthrope.
En quoi le fait d’imaginer Gilles Privat dans le rôle d’Alceste a été déterminant dans votre projet de mise en scène ?
A.F. : Contrairement à ce que l’on croit, Gilles Privat peut être quelqu’un de très violent, en tout cas dans le langage. Il peut également faire preuve d’une très grande sensibilité. Il est ainsi capable, d’une seconde à l’autre, de passer de la colère la plus éruptive aux larmes. Je n’aurais pas monté cette pièce sans lui. Nous avons décidé de ce projet ensemble.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
à 20h, le dimanche à 15h, relâche les lundis. Durée : 1h55. Tél. : 01 42 74 22 77.
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