La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Médecin malgré lui

<p>Le Médecin malgré lui</p> - Critique sortie Théâtre
La comédienne et metteuse en scène Véronique Vella Photo : Cosimo Mirco Magliocca

Publié le 10 mai 2007

Entre théorbe et viole de gambe et sous la lumière délicate des bougies,
Jean-Denis Monory propose une version baroque, élégante et poétique, du
Médecin malgré lui
.

La coquine Martine a bien à se plaindre de son époux : le paresseux
Sganarelle lève en effet le coude plus souvent qu’à son tour pour vider les
bouteilles et la battre. Elle fomente une vengeance en forme de farce pour que
l’échine de son mari goûte à son tour aux délices de la bastonnade. Sganarelle
se voit contraint de revêtir la robe noire du médecin pour rendre rire et voix à
la belle Lucinde et tire astucieusement bénéfice de son illégitimité
thérapeutique. La composition de cette pièce, vive et rythmée, propose une
succession de tableaux et de situations et un défilé de figures symboliques
(nobles, bourgeois, serviteurs, paysans et petites gens) qui permettent un
travail de lecture, d’interprétation et de scénographie extrêmement varié.
Jean-Denis Monory a élaboré son projet d’herméneutique baroque avec soin et
précision. Grâce à une recherche documentaire poussée, il replace le texte de
Molière dans son contexte originel où les corps et la voix se plient à une
codification particulière et à une cadence formelle très élaborée.

Résurrection de l’étiquette théâtrale

Retrouvant le phrasé de la cour et les règles de la déclamation canonique,
les comédiens disent le texte avec cette musicalité étonnante qu’a écrasée le
parler moderne. Plus rocailleuse, plus chantante, plus enjouée, la langue, ainsi
restituée dans ses sonorités premières, acquiert une densité incroyable. De
même, la gestuelle propose une sémantique du corps, qui bien que très stylisée,
évite lourdeur et componction. Le jeu se fait selon la ligne frontale de la
scène et les acteurs traduisent les expressions et les situations selon
l’alphabet ritualisé de la rigueur classique. Un tel parti pris offre les
conditions d’une présentation esthétisante fort réussie, d’autant que l’ordre
méthodique est adouci par la fluidité du jeu. En effet, les comédiens sont très
à l’aise dans le carcan que leur imposent les choix scénographiques et
l’harmonie de cette partition précieuse fait naître une poésie d’une remarquable
fraîcheur, comme des fleurs insolentes poussées entre les pierres de la
grammaire.

Catherine Robert

Dans le cadre d’Eclats baroques ? Festival de théâtre baroque. Du 3
avril au 3 juin 2007. Le Médecin malgré lui, de Molière ; mise en scène
de Jean-Denis Monory. Du 3 avril au 3 juin ; jeudi, vendredi, samedi à 21h et
dimanche à 15h ; séance exceptionnelle le 3 avril à 21h. Théâtre Le Ranelagh, 5,
rue des Vignes, 75016 Paris. Réservations au 01 42 88 64 44.

A propos de l'événement


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