La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Malheur de Job,

Le Malheur de Job, - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Tristan Jeanne-Valès Légende photo : Dgiz, rappeur de l’Ancien Testament.

Publié le 10 mars 2008

Enfouissement sous quelques extraits du Livre de Job

Réputé comme l’un des passages les plus difficiles de la bible, le Livre de Job raconte l’épreuve que Dieu fait subir à Job, sur les conseils fielleux de Satan, pour vérifier l’étendue et l’authenticité de sa vertu, de sa probité et de sa piété. Job, affligé par la perte de ses biens, par la mort des siens, par la lèpre qui ronge son corps, refuse de maudire Dieu comme l’y invite sa femme et de reconnaître les péchés qu’il n’a pas commis comme le lui suggèrent ses amis. Job demeure avec Dieu même lorsque Dieu est contre lui puisqu’il accepte de renoncer à tout sauf à ce qu’il y a de divin en l’homme, la justice et la certitude de ses effets. Le grand poème des plaintes de Job était, dans l’Antiquité, chanté et accompagné de musique. Ce pourquoi les auteurs de ce spectacle ont décidé, non pas de reconstituer, mais de réinventer cette dimension psalmodique, en confiant au rap de Dgiz et à la musique de Jean-Luc Therminarias le soin de rendre à Job toute sa profondeur archaïque et quasi incantatoire, empruntant autant à la mélopée qu’à la mélodie, jouant de la syncope, des crases incandescentes, des borborygmes viscéraux, des sursauts, de la plainte colérique ou vagissante et de toutes les couleurs que la voix humaine peut produire pour exprimer le chemin de torture du malheureux ébranlé dans sa foi.
 
Polyphonie et complémentarité
 
Le génie de Dgiz ne tient pas seulement à l’interprétation magistrale qu’il propose de ce texte mais se révèle aussi dans la traduction renouvelée qu’il a mise au point en dialoguant avec le dramaturge Frédéric Révérend. Réussissant à faire en sorte que la modernité s’approprie les plaintes de Job par un vocabulaire et des références immédiatement accessibles au public d’aujourd’hui, il parvient à universaliser la portée de ce texte en le débarrassant de sa gangue absconse. Le verbe tellurique, rageur, puissant, ainsi scandé sur le devant de la scène, est accompagné à l’arrière plan par le travail du jongleur Jérôme Thomas, inventant un numéro en suspension avec des sacs en plastique. La musique, le jeu et le jonglage atteignent alors une forme d’équilibre et de complémentarité incroyables, les malheurs s’abattant sur Job pendant que le jongleur parvient à s’échapper de l’amoncellement duveteux des sacs translucides : transcendance et immanence, poids et apesanteur, fatalité et liberté dialoguent dans un spectacle total, fascinant d’intelligence et de beauté.
 
Catherine Robert


Le Malheur de Job, Enfouissement sous quelques extraits du Livre de Job, spectacle de Jean Lambert-wild, Jean-Luc Therminarias, Dgiz et Jérôme Thomas. Du 10 au 22 mars 2008. Du lundi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 15h30 ; relâche le jeudi. MC 93, 1, boulevard Lénine, 93000 Bobigny. Réservations au 01 41 60 72 72.

A propos de l'événement


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