À ne pas manquer, le légendaire « May B » de Maguy Marin au T2G
Reprise / T2G Théâtre de Gennevilliers / Chor. Maguy Marin
Publié le 27 février 2024 - N° 319Œuvre majeure de la danse contemporaine, May B bouleverse le public du monde entier depuis plus de quarante ans.
Souvent, les grandes œuvres ont une étrange propriété : le temps n’a pas prise sur elles. May B, chorégraphié en 1981, marque l’explosion de « la jeune danse contemporaine française » et demeure en 2024 un territoire à part. L’œuvre fondatrice de Maguy Marin peint l’errance d’un groupe de danseurs, masse indiscernable constituée pourtant d’individualités fortes. Une humanité en partance, la valise à la main, qui évoque, par le rythme asséné de ses pas, ses grognements, ses grimaces féroces et tragiques à la fois, les personnages et l’univers de Samuel Beckett. Solitude et déréliction, masques inquiétants, déhanchements convulsifs et contorsions campent un petit peuple en détresse. Les danseurs rappellent des émigrés en transit, ou monsieur et madame Toulemonde en chemises de nuit, les visages empreints de rêves ou de cauchemars, parfois affreux, sales, et méchants, parfois fragiles et émouvants. Est-ce une grande chorégraphe qui tient la barre, ou une grande metteuse en scène ? Les deux.
Un chef-d’œuvre !
Les danseurs s’expriment par des gestes extrêmement précis, fouillés même. Mais la gestuelle et l’atmosphère théâtrale sont en contradiction avec la performance physique et esthétique du danseur. Aucune volonté de faire beau ici. Chaque mouvement brave un univers sombre, riche de sens. Les influences sont plutôt picturales. George Grosz, Otto Dix, ou Edvard Munch et d’autres peintres expressionnistes surgissent au détour de danses dionysiaques. Mais la structure, l’ossature de May B. est avant tout rythmique. Et c’est cette pulsation insistante qui va conditionner tout le travail futur de la chorégraphe. Cette puissance du compte et de la cadence arrive à décaler ces gestes insignifiants ou impressionnants, à incarner ces vies banales ou burlesques, ou laisse un vide immense que rien, même pas Schubert, ne peut combler. Il y a des silences qui dévoilent nos gestes secrets, intimes, refoulés, où l’attente et les interprètes presque immobiles nous laissent sans voix. Il y a aussi ce monde si invraisemblable et cruel, si absurde qu’il en est drôle… à en pleurer. Dans l’univers de la danse-théâtre, en plus d’être une pièce fondatrice, May B demeure un sommet.
Agnès Izrine
A propos de l'événement
May Bdu mardi 26 mars 2024 au jeudi 28 mars 2024
T2G – Théâtre de Gennevilliers - Centre dramatique national
41, avenue des Grésillons, 92230 Gennevilliers
à 20h.
Tél. : 01 41 32 26 26. Durée : 1h30. Les représentations seront précédées d’une première partie élaborée dans le cadre d’un workshop avec les élèves du Conservatoire Edgar Varese de Gennevilliers.
Également du 6 au 8 avril à la Scène nationale du Sud-Aquitain, Bayonne.