CIRcoTEC à la Grainerie
À travers des ateliers, une journée de [...]
En tandem avec le comédien Antony de Azevedo, le metteur en scène Thierry Harcourt adapte avec beaucoup de sensibilité le difficile Journal d’un fou de Nicolaï Gogol. Un seul en scène les yeux dans les yeux dont on ne sort pas indemne.
Dans toutes les nouvelles de Gogol, dont Le journal d’un fou est l’une des plus remarquables, il y a une irréductible étrangeté (entendue comme « la condition indispensable de toute beauté »), qui mêle le fantastique à la satire des mœurs bureaucratiques, le pittoresque au visionnaire, la farce au tragique. Alliée à la puissance de la verve de l’écrivain russe, cette matière prédispose ces textes à l’adaptation théâtrale. La difficulté n’en est pas moindre pour qui tente l’aventure. Le metteur en scène Thierry Harcourt offre une très belle opportunité de découverte ou de redécouverte de ce conte absurde écrit à la première personne, porté par l’intention d’une « identification immédiate ». Mais qu’avons-nous en commun avec cet anti-héros, ce petit fonctionnaire du Ministère dont la tâche minuscule consiste à tailler des crayons, rond-de-cuir éperdument amoureux jusqu’à l’obsession de la fille du directeur du Ministère, emporté par une folie douce jusqu’à la démence, délirant joyeusement et fantasmant avec entrain une vocation ignorée de tous qui le vouerait à une destinée royale ? « Ce qui fait de nous des êtres fragiles et complexes peut nous pousser à tout moment vers ce que l’on appelle la folie » répond le metteur en scène.
Une performance d’acteur
Fidèle à la lettre du texte avec une remarquable économie de moyens, épurant le pittoresque, Thierry Harcourt permet de basculer dans la poésie pure de l’amour fou teintée du cocasse, non moins poétique, de la perte graduelle de tout sens commun. Il ne saurait y parvenir sans l’acteur qu’il a choisi pour servir le rôle de Popritchtchine, Antony de Azevedo, dont l’interprétation force l’admiration. Pas de plateau dans la petite cave voûtée qui sert de cadre à la représentation. C’est à peine si les tables bistrots placées devant le premier rang de spectateurs délimitent un minuscule espace scénique. Une ampoule nue pend du plafond au-dessus de l’une de ces bassines à bain d’un autre âge – seul élément du décor -, dans laquelle le comédien a pris place, accroupi, dans le plus simple appareil, comme à la toilette, au très symbolique lever de rideau. Revêtu de son jeu d’abord – un simple tee-shirt et un jogging le vêtiront par la suite -, il tient son public en haleine, donne chair à la prose, donne à vivre toutes les nuances du personnage, comme si Popritchtchine, c’était lui. Comme si Popritchtchine, ce pouvait être nous.
Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens
Les mardis à 19h30. Tél : 01 42 36 00 50. Durée : 1h.
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