Prévert avec Yolande Moreau et Christian Olivier
textes de Jacques Prévert / avec Yolande Moreau et Christian Olivier
Publié le 24 janvier 2019 - N° 273Spectacle musical qui permet de traverser textes connus et moins connus de l’artiste, Prévert offre une vision renouvelée d’un homme et d’une œuvre aux multiples facettes.
Ce n’est pas un inventaire à la Prévert que ce spectacle consacré à l’artiste du même nom, mais une composition bien pensée qui permet de traverser le large spectre de son œuvre. Historiettes, poèmes en proses ou en vers, chansons, aphorismes et autres dialogues alimentent la riche matière présentée par Yolande Moreau et Christian Olivier. Si chacun en France peut avoir son Prévert, c’est bien parce que cet artiste était multiforme, complexe, certainement plus riche que les images auxquelles souvent on le réduit. Poète pour enfants, anarchiste, militant, rêveur, fantaisiste, anticlérical, antimilitariste, amoureux, surréaliste, oulipien et pataphysicien, Jacques Prévert était tous ceux-là, et bien d’autres encore, se plaît à nous rappeler le spectacle. Sans s’en apercevoir, les couleurs changent, les genres et les thèmes s’enchaînent en toute fluidité dans une alternance entre les textes mis en chanson par Christian Olivier et ceux interprétés ou chantés par Yolande Moreau. Entre eux, trois musiciens qui portent les compositions et arrangements de l’ancien chanteur des Têtes Raides, dans une atmosphère où l’accordéon populaire côtoie la trompette jazz et la scie musicale du bricoleur de sons.
Dépasser l’image laissée par l’Histoire
Lui est grand et filiforme, tout en noir et en chapeau, chanteur énergique atemporel et élégant qui aime faire swinguer Prévert. Elle, avec son accent belge râpeux, sa chevelure de feu sur robe noire et or, son air lunaire de petite enfant tombée du nid, sa malice intérieure et sa dureté vulnérable, porte les textes et laisse voir d’inconnues qualités de chanteuse. Ils alternent donc et se complètent dans un spectacle qui ne cède ni à la nostalgie ni au best of. Bien sûr, on entend Les feuilles mortes et Rappelle-toi Barbara, La Grasse matinée avec « le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain ». Mais aussi un Prévert plus noir (« Et voilà / tu m’épouseras / le couteau épouse la plaie »), ou encore un Prévert poète anglophile (Rain Rain Rain), poète de l’amour et conscient de sa part de cruauté (Rue de Seine), poète bien sûr amateur de bons mots (« Quand quelqu’un dit Je me tue à vous le dire ! Laissez-le mourir. »). Dans ce spectacle kaléidoscopique, chacun trouvera donc son Prévert, celui qui l’a ému comme celui qu’il découvre, et pourra ainsi casser l’image figée et souvent un peu mièvre que l’Histoire a pu nous en laisser. Un voyage plaisant et instructif qui précise les contours d’une figure majeure et populaire du siècle dernier.
Eric Demey
A propos de l'événement
Prévert avec Yolande Moreau et Christian Olivierdu mardi 15 janvier 2019 au dimanche 10 février 2019
Théâtre du Rond-Point
2bis Avenue FD Roosevelt, 75008 Paris
à 18h30, relâche le lundi et le 20 janvier. Tel : 01 44 95 98 21. Durée : 1h30.