La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Gus de et par Sébastien Barrier

Gus de et par Sébastien Barrier - Critique sortie Théâtre Paris Le Monfort
Sébastien Barrier et Nicolas Lafourest dans Gus © Abain

Reprise / de et par Sébastien Barrier

Publié le 24 janvier 2019 - N° 273

Après Savoir enfin qui nous buvons sur le vin nature et l’autofictif Chunky charcoal, Sébastien Barrier a mis sa parole-fleuve au service du jeune public dans Gus. Un portrait de chat à son image : brillant et inattendu.

Gus ne fait rien comme les autres. Il n’est pas très doux. Pas très câlin. Il ne se frotte pas aux mollets de ceux qui l’aiment ni ne miaule quand il faut. Assez laid de nature, il en rajoute en malmenant les poils de son ventre qui finissent par former des têtes de mort. Bref, Gus est un chat dont on ne mettrait pas la photo sur les réseaux sociaux, à moins de vouloir faire une frayeur à ses amis ou de s’en prendre à la mode qui fait de l’animal un outil de langage au service de l’expression de soi. Telle n’est pas l’intention première de Sébastien Barrier, artiste associé au Grand T à Nantes, dont on connaît la tendresse pour le félin depuis Chunky charcoal (2015), autoportrait sous le signe de la perte où il partageait la scène avec le dessinateur Benoît Bonnemaison-Fitte et le musicien Nicolas Lafourest. Lesquels poursuivent dans Gus leur aventure avec le comédien-conteur : l’un dans un costume de Grosminet aux oreilles synthétiques tombantes, au nez aplati et à la guitare dégourdie, l’autre à travers des dessins naïfs projetés sur un écran. Dans ce premier spectacle jeune public – on peut aller voir Gus à partir de dix ans –, le recours à l’animal aimé de tous ou presque permet avant tout à Sébastien Barrier de s’adresser à l’enfant sans renoncer à rien de sa verve satirique à l’inventivité plus galopante que son héros à quatre pattes. De rendre accessible aux petits sa vision mélancolique du monde et sa manière très personnelle de se débrouiller avec. Portrait de chat atypique, Gus s’adresse ainsi à l’intelligence autant qu’à la sensibilité.

Portrait de l’artiste en jeune chat

Neuvième chat d’une portée, abandonné à sa naissance dans un sac poubelle et recueilli par un garçon solitaire et complexé, Gus est pour Sébastien Barrier le motif d’une poésie hybride. Une façon de donner une direction précise à son verbe dont les huit heures de Savoir enfin qui nous buvons (2014) nous ont fait découvrir les passionnants débordements. L’épique teinté d’un désespoir toujours aux aguets. Comme les viticulteurs dont il dresse le portrait dans ce spectacle, la boule de poils éponyme de Gus est décrite par des cris et des chuchotements. Par des chants et des poèmes au lyrisme un peu trash. Mais pas trop. Avec son art habituel, Sébastien Barrier multiplie les registres de parole pour creuser son sujet bien plus profond qu’il n’y paraît. Aussi humanisé que le narrateur du Chat Murr de Hoffmann, le diabolique Béhémoth du Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, ou encore que tous les protagonistes de La Ferme des animaux de George Orwell, Gus est un miroir malicieusement tendu à notre société. À ses mécanismes d’exclusion. De rejet de la différence. Des thèmes récurrents dans la création jeune public, que la figure du héros poilu de la pièce permet d’aborder avec une grande originalité.  Tout en questionnant en filigrane le rôle de l’artiste. Car chez Sébastien Barrier : tel chat, tel maître.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Gus de et par Sébastien Barrier
du mardi 12 février 2019 au samedi 23 février 2019
Le Monfort
106 rue Brancion, 75015 Paris

à 19h30. Tél : 01 56 08 33 88. Durée : 1h. Spectacle vu au Grand T à Nantes.

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