La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Jeu de l’amour et du hasard

Le Jeu de l’amour et du hasard - Critique sortie Théâtre
Photo : Bernard Palazon Une joyeuse équipée sur les vagues de la mer passion.

Publié le 10 février 2008

Imbroglio et mélange des identités sociales pour une intrigue amoureuse. Sous le regard de Xavier Lemaire, la comédie de Marivaux perd ses ambiguïtés en cheminant du côté de la farce.

L’idée est osée quand quatre des personnages du Jeu de l’amour et du hasard  échangent leurs nippes et leur défroque pour un travestissement radical. Silvia, la maîtresse, prend les allures de sa soubrette Lisette tandis que le jeune maître, Dorante, se déguise en Arlequin. Il en va du mensonge aussi pour Orgon et Mario, le père et le frère de la jeune fille, quelque peu manipulateurs. Pourquoi ? Afin que les deux amants qui ne se connaissent pas encore, promis au mariage par le pouvoir paternel, vérifient le bien-fondé d’une inclination obligée avant l’acte de mariage à venir. Silvia confie à Lisette sa méfiance : « Les hommes ne se contrefont-ils pas, surtout quand ils ont de l’esprit ? »  Au premier regard cependant, les jeunes gens s’éprennent l’un de l’autre sous leurs habits d’emprunt, au-delà de la fortune et de la naissance. Dorante s’esclaffe amoureusement dès la première rencontre avec la belle : « Quelle espèce de servante es-tu avec cet air de princesse ? » Volte-face des situations et tournoiement vertigineux des penchants et des conditions, le promis retrouve sa promise au prix du trouble pour les maîtres et d’un rire un peu amer pour les serviteurs.

Repères désuets et conventionnels
Mais la comédie doit bien finir un jour. Quand le masque tombe, le stratagème se dévoile et la vérité du sentiment s’impose dans un jeu de miroirs enfin rééquilibré. Le dix-huitième siècle raffiné aime à jouer à se faire peur afin de mieux retrouver le confort intime qu’il était amusant de risquer en échange de plaisirs et de jouissances redoublés après l’effroi de l’incertitude initiale, après ses épreuves et ses défiances. La lecture de Xavier Lemaire est efficace ; le public rit. Elle manque pourtant de perspective, installant une fois pour toutes les maîtres dans l’élévation des sentiments et les valets dans le mouvement irréversible de leur dégradation. Ce théâtre-là ne remet aucune donnée sociologique en question, il avance avec ses repères désuets et conventionnels, faisant rire seulement d’un côté, là où il est de bon ton de se gausser. Pourtant, Xavier Clion en jeune maître apporte à ce monde condamné par ses préjugés la dimension d’un trouble existentiel salvateur. Quant à Christian Dubouis en Arlequin et Isabelle Andréani en Lisette, ils en font des montagnes, tirant la comédie du côté de la Foire et de la Farce. Davantage de distinction n’aurait pas nui à ces valets pleins d’esprit. Au lieu de quoi le spectateur est invité à légitimer à l’infini la suprématie des maîtres face à la niaiserie domestique.

Véronique Hotte


Le Jeu de l’amour et du hasard
de Marivaux, mise en scène de Xavier Lemaire, jusqu’au 23 février 2008, du mercredi au vendredi à 20h30, samedi à 17h et 21h, dimanche à 15h au Théâtre Mouffetard 73, rue Mouffetard 75005 Paris Tél : 01 43 31 11 99 www.theatremouffetard.com

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