La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

L’Avare

L’Avare - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 janvier 2009

Un brillant portrait ascétique de L’Avare (Jean Pol Dubois), tyran ladre dans sa maison que des enfants vifs bousculent de leurs amours. Nicolas Liautard fait la part belle à Éros contre Thanatos.

Sur le plateau, une étendue de terre fraîche et odorante, grouillante des probabilités printanières, parasites ou plantes à venir, des particules victorieuses contre la mort hivernale. En son centre, une surface domestique glacée, frottée par une femme de ménage (travesti avec fichu, tablier à carreaux et seau plastique) employée à la faire briller. Mais vivre revient à accumuler sur le sol comme sur les corps et les visages, les traces des jours qui passent avec leurs tourbillons de plaisirs et d’épreuves. N’en déplaise au sieur Harpagon de la comédie de Molière L’Avare (1668), l’existence est dépense de soi et de ses biens, une énergie gâchée heureuse ou malheureuse. Cet attachement excessif à l’argent – passion d’accumuler et de retenir les richesses – empêche Harpagon de se déployer dans l’espace, d’esquisser librement mouvements et gestes, ce que révèle le talent espiègle de Jean Pol Dubois, ascète maladroit et emprunté. La peur dans l’âme, le cupide craint les bruits et les changements, il amasse sans fin en ne s’autorisant qu’à admirer sa cassette remplie d’or, un bien suprême enterré dans le jardin. Ce réflexe va à l’encontre du principe de vie des jeunes gens de la maison, les enfants bruyants et tapageurs de l’avare, prodigues et gaspilleurs. La fille Élise (Célia Rosich) aime Valère (le décidé Lazare Herson-Macarel), contraint à se déguiser en intendant pour approcher la belle et endormir le barbon à force de flatteries théâtrales. 
L’appropriation de la passion du fils par le père est illégitime
 
Le fils Cléante (le fougueux et mélancolique Marc Citti) s’oppose à ce mal-aimé qui l’empêche de se vêtir élégamment pour plaire à Mariane (Nelly Froissart). De plus, Harpagon, craignant d’aimer et ne jouissant de rien sinon du bruit de ses pistoles, vient de jeter follement son dévolu sur la même jeune fille. L’appropriation de la passion du fils par le père est illégitime : ce roi de l’usure rejette tous les emprunts, qu’ils soient de finances ou d’amour, dans un monde à l’envers où l’on serre son argent en refusant de mourir. Heureusement, le Seigneur Anselme (Wolfgang Kleinertz) en parrain napolitain mafieux résout les conflits économiques et les obscurités de lignée de Valère et de Mariane. Maître Jacques (Jean-Yves Broustail) – à la fois, cuisinier et cocher – fait un numéro comique d’enfer. Nicolas Liautard lui-même en valet d’intrigue apporte son grain de ruralité rusée. Une mise à bas enjouée des mesquineries et des refus calculés de jouer le métier de vivre.

Véronique Hotte


L’Avare, de Molière, mise en scène de Nicolas Liautard, 20h mardi, mercredi, vendredi et samedi, 19h jeudi, 16h dimanche, du 5 janvier au
1er février 2009 au Théâtre d’Ivry Antoine Vitez
1, rue Simon-Dereure. Tél. 01 43 90 11 11
et
www.theatre-quartiers-ivry.com
Du 3 au 13 février, 20h30 et dimanche 15h, relâche
le 9 février à La Scène Watteau, Théâtre de Nogent-sur-Marne. Tél. 01 48 72 94 94. Spectacle vu à la Ferme de Bel Ébat – Centre Culturel de Guyancourt.

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