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Théâtre - Critique

Laurent Gaudé s’empare de la figure d’Alexandre Le Grand dans « Le tigre bleu de l’Euphrate »

Laurent Gaudé s’empare de la figure d’Alexandre Le Grand dans « Le tigre bleu de l’Euphrate » - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Colline
Emmanuel Schwartz dans Le tigre bleu de l’Euphrate CR : Yanick Mac Donald

La Colline / Texte de Laurent Gaudé / Mise en scène de Denis Marleau

Publié le 3 juin 2024 - N° 322

Dans Le tigre bleu de l’Euphrate, Laurent Gaudé donne à entendre une admiration pour Alexandre le Grand que l’on peine à partager.

Au rez-de-chaussée, avec Terrasses, Laurent Gaudé célèbre l’héroïsme des gens ordinaires à travers un oratorio évoquant la nuit des attentats parisiens du 13 novembre 2015. Et au second étage, dans la petite salle de la Colline, c’est la figure d’Alexandre le Grand, dont il s’empare. Une autre forme d’héroïsme – également mise en scène par le québécois Denis Marleau –, celle d’un des plus légendaires conquérants de l’Antiquité. Élève d’Aristote, le futur empereur est d’abord parti de son royaume de Macédoine conquérir les terres de l’Orient et l’Empire perse avant de poursuivre un insatiable élan qui le poussera jusqu’aux rives du Gange où ses troupes épuisées renoncent. À 32 ans, alors que la maladie l’emporte, Alexandre le Grand s’adresse à nous, revient sur ses conquêtes passées. Alexandrie, Babylone, Samarcande : les noms mythiques se succèdent. À travers cet incessant désir de conquête d’un bâtisseur de ville, Laurent Gaudé veut donner à voir l’irrationnel bouillonnement du désir qui peut habiter chacun de nous, jusqu’au bout. On le suit bien volontiers.

Le pouvoir ravageur du désir qui ne se pose pas de limites

Mais pas sûr que l’on partage la fascination de Laurent Gaudé pour le héros légendaire. Pas sûr que l’on soit admiratif comme lui de son insatiable soif de conquête. On voit bien la métaphore mais aussi le pouvoir ravageur du désir qui ne se pose pas de limites. Pas sûr non plus que la langue de Laurent Gaudé nous emporte beaucoup. Puisqu’il est question de guerres, son habituel tropisme pour l’amplitude stylistique de l’épopée s’en donne à cœur joie. On peut apprécier mais aussi regretter un classicisme qui fait que l’on a parfois l’impression de se retrouver renvoyé à l’école. Anaphores et métaphores à foison, images pas franchement originales, qui confinent au cliché. L’Inde avec ses femmes qui ont trois yeux et ses hommes qui s’agenouillent devant les vaches convient bien sûr à une vision venue de l’Antiquité. Comme la fascination devant la puissance des éléphants. Mais à travers ces évocations, à travers Alexandre le Grand, c’est aussi sa langue que Laurent Gaudé exhibe exagérément. Emmanuel Schwartz s’empare pourtant du texte avec bravoure. Passe finement du mourant au conquérant, du monstre de cruauté à l’homme vulnérable, explore la complexité du personnage. Va parfois chercher caricaturalement dans les graves quand il s’agit de faire rugir le tigre en lui. Derrière lui, le beau travail vidéo de Stéphanie Jasmin fait défiler les paysages, entre évocation et abstraction, et des musiques discrètes suggèrent les atmosphères. Des touches de délicatesse dans un ensemble monolithique.

Eric Demey

A propos de l'événement

Le tigre bleu de l’Euphrate
du vendredi 24 mai 2024 au dimanche 16 juin 2024
Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun, 75020 Paris

du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 15h30, 15 juin à 18h et 16 juin à 14h30. Tel : 01 44 62 52 52. Durée : 1h30.

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