« Duos improbables » de Claire Durand-Drouhin
Claire Durand-Drouhin unit des danseurs et [...]
Avignon / 2024 - Entretien / Chela De Ferrari
La metteure en scène péruvienne Chela De Ferrari présente une adaptation libre de La Mouette avec une troupe d’acteurs malvoyants et aveugles, qui tissent leurs propres histoires avec la pièce de Tchekhov. Avec ce spectacle, le Centro Dramático Nacional d’Espagne qui le produit vient pour la première fois au Festival d’Avignon.
Après avoir monté un Hamlet avec des acteurs trisomiques en 2019, présenté au Festival d’Automne en 2023, vous travaillez pour La gaviota – « La Mouette » en espagnol – avec des artistes malvoyants et aveugles. Comment expliquez-vous votre intérêt à faire du théâtre avec des personnes en situation de handicap ?
Chela De Ferrari : Travailler avec des acteurs atteints de trisomie 21 pour Hamlet m’a permis d’appréhender le théâtre d’une autre manière et m’a donné l’envie de continuer d’explorer ce chemin. J’ai pu constater combien créer avec des personnes en situation de handicap enrichit tous ceux qui participent au processus de création, des acteurs jusqu’au public, en passant par le metteur en scène, le scénographe, le chorégraphe… Cela suscite des conversations entre des personnes qui n’ont pas l’habitude d’échanger entre elles dans la vie. Personnellement, ces expériences me confrontent avec ma propre cécité et me poussent à imaginer d’autres rapports entre l’art et la vie.
En quoi La gaviota est-elle éclairée selon vous par les interprètes à qui vous confiez votre adaptation ?
C.D.F. : Dits par des personnes aveugles ou mal voyantes, les mots de Tchekhov apparaissent dans toute leur complexité et font affleurer des aspects que l’on reconnaît rarement à l’auteur. Les corps de ces artistes nous offrent la possibilité de voir de la beauté et de la valeur dans les personnes et les communautés qui sont d’habitude dévalorisées voire rejetées. Avec les acteurs du spectacle, qui sont pour la plupart membres de groupes de théâtre de l’Organisation nationale des aveugles espagnols (ONCE), nous avons interrogé ce qui les rapproche des personnages de La gaviota. Soit la dépression et l’anxiété, fréquentes dans le processus de perte de la vue et présentes aussi chez Tchekhov, dont les protagonistes semblent avoir perdu leur paradis et désespèrent devant l’impossibilité de lutter contre le destin.
De quelle nature est votre adaptation de la pièce de Tchekhov ? Souhaitez-vous parler à travers elle de la situation sociale ou politique du Pérou ?
C.D.F. : La forme qu’adopte le texte est liée aux possibilités du groupe avec lequel nous avons travaillé ainsi qu’à la façon dont nous avons souhaité donner un sens nouveau à certains passages ou supprimer ce qui ne servait pas notre approche. Notre Gaviota est aussi un tissage subtil entre les histoires des acteurs et celles de leurs personnages. Partant inévitablement de mes connaissances personnelles, de la réalité sociale de mon pays et de la manière dont y vivent les personnes aveugles, cela transparaît certainement dans la pièce, quand bien même celle-ci a été créée en Espagne avec des acteurs espagnols. Toutefois nous n’avons pas cherché à ancrer le spectacle dans un contexte social ou politique précis.
Comme Hamlet, La Mouette est une pièce qui parle de théâtre, à travers une mise en abîme. Que voulez-vous dire ainsi de votre art ?
C.D.F. : Cela m’intéresse de réfléchir sur ce que je fais, sur la fonction du théâtre, sur l’effet qu’il produit, sur les répercussions que peuvent avoir les actes et paroles sur le public. J’aime à étudier la valeur que prend la parole ou le mouvement lorsqu’ils viennent de personnes en situation de handicap. Par exemple, j’ai pu constater que pour le spectateur, le monologue de Hamlet entendu tant de fois brille d’une manière nouvelle lorsqu’il est porté par un collectif d’artistes atteints de trisomie 21. De même que la rencontre de deux personnes aveugles qui se cherchent dans l’espace.
Propos recueillis par Anaïs Heluin
à 11h. Relâche le 17. Durée : 2h15. Tel : 04 90 14 14 14.
Claire Durand-Drouhin unit des danseurs et [...]
Dirigées par Nikola Carton, Marie Hebert et [...]
Exploration poétique de l’expérience de la [...]