La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Vénus à la fourrure

La Vénus à la fourrure - Critique sortie Théâtre
Photo : Brigitte Enguérand L’énigmatique Wanda (Valérie Lang) et son amant, le « suprasensuel » Séverin (Andrzej Deskur).

Publié le 10 février 2009

Le roman de Sacher-Masoch, homme de lettres du XIX é siècle autrichien, est révélé à la scène avec la grâce pétillante de Christine Letailleur. Un talent souriant au mystère du désir.

L’étrangeté de La Vénus à la fourrure (1870) de Sacher-Masoch est mise en lumière dans les années soixante grâce à Gilles Deleuze qui se penche sur cette re-visitation des relations entre l’homme et la femme. Sacher-Masoch imagine fantasmatiquement des liens autres qui puissent unir les êtres qui s’aiment ou du moins, se désirent. Le masochiste prend plaisir à souffrir, à échouer, à être humilié. Ces conditions énigmatiques et perverses mènent à la volupté érotique, et La Vénus à la fourrure privilégie l’esclavage masculin librement consenti. Séverin (Andrzej Deskur au verbe bien frappé), intellectuel et passionné, revendique avec panache sa « suprasensualité », il rêve d’être un jouet malmené, une marionnette dans les mains d’une jeune veuve, Wanda (Valérie Lang acidulée et joueuse), revêtue de fourrures soyeuses et caressantes. La nature féminine ne demande qu’à « se donner où l’on aime et aimer tout ce qui plaît ». Rétive d’abord à l’initiation à la cruauté, Wanda finit par consentir aux interdits moraux qu’elle piétine pour se faire la servante zélée des exigences mâles de son amant. Elle va même jusqu’à prendre le pouvoir et mener à la cravache son partenaire asservi.

L’amoureuse prend la pose élégante de sculptures antiques

Si l’amour courtois a pu se développer contre la domination masculine moyenâgeuse pour que soit possible le plaisir féminin, c’est que la parole a pris le relais de la chair. Les serments d’amour, l’échange des cœurs et l’amour de loin exacerbent le désir sans jamais l’assouvir. Clair-obscur de la nuit et de l’intimité, chandeliers, lustre de cristal, rideaux glissant sur des jeux d’ombres et de théâtre, Christine Letailleur s’empare avec un bonheur amusé de cette dramaturgie du fantasme et de l’image érotisée, une alternative à l’objet de chair brut. Vêtue de robes de soie claire et de sombre satin, l’amoureuse au bras levé prend la pose de sculptures antiques majestueuses. Cette nouvelle Vénus au miroir du Titien connaît le pouvoir inventif des mots : « Je vais tisser des fils de perles noires, dans ma chevelure… Je mettrai ma kazabaïka rouge, celle bordée d’hermine verte ; et ma toque de cosaque ». Partie à la conquête d’un beau et dangereux Grec au lyrisme viril raffiné (Dimitri Koundourakis), la dame au masque de loup abandonne le corps de son amant près de la cheminée dont le feu crépite sous le fracas de l’orage et de la pluie. La douleur de l’attente, voilà une promesse d’amour jamais démentie.
Véronique Hotte


La Vénus à la fourrure
Ou les Confessions d’un suprasensuel (1870)

De Leopold von Sacher-Masoch, adaptation et mise en scène de Christine Letailleur, du 21 janvier au 22 février 2009, du mercredi au samedi 21h, mardi 19h, dimanche 16h au Théâtre National de la Colline, 15 rue Malte-Brun 75020 Paris Tél : 01 44 62 52 52 www.colline.fr Texte publié aux Solitaires Intempestifs.

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