La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Pour Phèdre

Pour Phèdre - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : DR Légende photo : « Maud Rayer, Sophie Torresi et Chantal Garrigues dans une version contemporaine du mythe de Phèdre. »

Publié le 10 janvier 2009

Se consacrant essentiellement au répertoire contemporain, la Compagnie de l’Arcade a choisi d’investir le mythe de Phèdre à travers une pièce de l’auteur suédois Per Olov Enquist. Le metteur en scène Vincent Dussart crée un spectacle anguleux et stylisé.

« Comme c’est étrange », avoue Phèdre au crépuscule de son existence, « Hippolyte est mort / et pourtant je ne ressens aucune peine / On dirait qu’il n’a jamais existé / Maintenant je suis vide c’est tout / Vide dépourvue de poids au milieu de / cette éclipse ». Dépourvue de poids, Phèdre (Maud Rayer), mais aussi Hippolyte (Xavier Czapla), Thésée (Jean-Pierre Bélissent), Œnone (Chantal Garrigues), Aricie (Sophie Torresi) et Théramène (Alain Courivaud). Tous dépourvus de leur poids de personnages de tragédie, comme à distance de destins qu’ils connaissent par cœur pour les endosser sempiternellement depuis l’antiquité. Après Euripide, Sénèque, Robert Garnier, Jean Racine…, ce sont par les vers libres de Per Olov Enquist (né en 1934) que ces êtres légendaires se laissent aujourd’hui traverser et remodeler. Créé il y a sept ans à la Manufacture de Saint-Quentin (théâtre dans lequel la Compagnie de l’Arcade a été en résidence de 2002 à 2008), le spectacle de Vincent Dussart met en lumière cette forme de dissociation qui place le public devant une double série de protagonistes : les figures théâtrales sorties de l’esprit de l’écrivain suédois ; les entités éternelles constituant le squelette, la matière structurelle de ces héros mythologiques.
 
Des personnages ambivalents et solitaires
 
Ce Pour Phèdre s’appuie ainsi sur une discrète et pertinente mise en abyme. Anguleuse et stylisée, élaborant une esthétique abstraite, la représentation construite par Vincent Dussart installe en effet un processus de « jeu dans le jeu » par le truchement duquel chaque personnage semble amené à porter un regard non seulement sur les rôles réinventés par Per Olov Enquist, mais également sur sa propre condition, sur sa propre destinée dramatique. Un peu comme si une forme de solitude et d’enfermement venait réinterroger la succession de chants composant cette nouvelle version de Phèdre. Œuvrant sur scène tels des âmes dociles amenées une énième fois à creuser leurs problématiques intimes, à éclairer les questions de la passion et de la cruauté, les six interprètes dessinent les contours d’un spectacle incontestablement intéressant, mais qui pèche parfois par excès de formalisme. Un spectacle qui, en lissant quelques-unes de ses arêtes, en allant vers davantage d’ampleur et de simplicité, ferait apparaître de façon beaucoup plus éclatante les enjeux et les implications de ses mises en perspective existentielles.
 
Manuel Piolat Soleymat


Pour Phèdre, de Per Olov Enquist (traduction de Philippe Bouquet) ; mise en scène de Vincent Dussart. Du 10 au 18 janvier 2009, à 21h00. Sudden Théâtre, 14 bis, rue Sainte-Isaure, 75018 Paris. Réservations au 01 73 74 86 53.

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