La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Précaution inutile ou Le Barbier de Séville

La Précaution inutile ou Le Barbier de Séville - Critique sortie Théâtre
Crédit : Eric Legrand Légende : Bartholo (Daniel Delabesse) aux pieds impitoyables de Rosine (Victoria Quesnel).

Publié le 10 mars 2010

Laurent Hatat met en scène avec une élégante virtuosité la machine comique réglée par Beaumarchais : une partition de choix pour des comédiens remarquables de finesse et de précision.

On n’enferme jamais la liberté ni l’amour et difficilement la jeunesse quand elle est pétrie de ces deux qualités. C’est ce que ne comprend pas Bartholo, plus sot qu’il n’est vieux et méchant, qui surveille bien en vain les portes et croisées de la cage dorée où il tient Rosine prisonnière. Poétique idée que celle de la scénographie d’Antonin Bouvret à cet égard, qui fait se déplacer à travers toute la scène l’écran qui figure la fenêtre (autrement dit la jalousie, autrement dit encore la « précaution inutile ») des amours clandestines entre la belle et le bouillonnant Almaviva : l’espace semble devenu le complice de la traîtrise, plus encore que le temps qui a déjà ravi au barbon les chances de plaire à sa pupille. Sur un plateau sobre et très habilement éclairé par les lumières de Bernard Plançon, seul un piano accessoirise le rapt organisé par le Comte et le rusé Figaro et l’impayable farce jouée aux dépens du trop précautionneux tuteur.
 
Une belle distribution, finement et efficacement dirigée
 
Les comédiens choisis par Laurent Hatat font tous preuve d’un talent solidement ancré dans un jeu fluide et une interprétation subtile de leurs rôles. Parmi eux, Victoria Quesnel (ex-élève de l’Epsad) éblouit en Rosine : la jeune actrice donne à son personnage une profondeur émouvante et une fraîcheur ravissante. Face à elle, Daniel Delabesse campe un Bartholo foncièrement intéressant par le mélange qu’il parvient à faire naître entre le parfaitement odieux et l’infiniment pitoyable. On tremble devant ce Bartholo auquel Delabesse offre une rondeur patricienne de bon bourgeois respectable quand on le voit prêt à frapper Rosine et on le plaint presque aussitôt devant l’authenticité de l’amour bafoué qu’il est capable de suggérer. Entre le pervers qui confond son désir et l’ordre du monde et l’ingénue qui comprendra bientôt (quand Beaumarchais la fera éplorée sous les pins) que l’inconstance délite les attachements, se joue une relation que les deux comédiens habitent avec une rare intensité. Laurent Hatat joue habilement de la menace du Mariage de Figaro déjà embryonnaire dans Le Barbier en insérant des répliques de la seconde étape dans la première. Occasion pour lui de faire « référence au statut d’infériorité et de violence que la société réserve aux domestiques et aux femmes » et qu’il explicite en confiant à Mounya Boudiaf le rôle d’un Eveillé travesti, contraint de se grimer en homme pour assurer sa place chez le suspicieux Bartholo. Servi par une équipe harmonieuse et assurée, ce spectacle confirme le talent dramaturgique et scénique de l’impeccable Laurent Hatat.
 
Catherine Robert


La Précaution inutile ou Le Barbier de Séville, de Beaumarchais ; mis en scène de Laurent Hatat. Le 12 mars 2010 à 21h. Théâtre de Rungis, 1, place du Général de Gaulle, 94150 Rungis. Réservations au 01 45 60 79 00. Du 16 au 27 mars 2010 à 20h30 ; dimanche à 16h ; jeudi à 19h30 ; relâche le 22 mars. Théâtre Jean-Arp, 22, rue Paul Vaillant-Couturier, 92140 Clamart. Réservations au 01 41 90 17 02. Navettes au départ de Paris le mercredi et le vendredi à 19h devant le Théâtre de la Ville, place du Châtelet. Retour assuré. Puis du 30 mars au 2 avril au Théâtre de la Renaissance d’Oullins et du 20 au 22 avril au Théâtre Le Bateau Feu de Dunkerque. Durée : 1h40. Spectacle vu au Théâtre du Nord, à Lille.

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