La Terrasse

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Danse - Entretien

Là, on y danse, nouvelle création d’Hervé Robbe

Là, on y danse, nouvelle création d’Hervé Robbe - Critique sortie Danse
photo : Hervé Robbe

Publié le 10 décembre 2007

Après vingt ans de travail, Hervé Robbe revisite la danse.

Avec cette nouvelle pièce, Hervé Robbe semble vouloir mettre à plat vingt ans d’expériences et de questionnements. D’apparence légère, que se cache-t-il vraiment derrière cette création ?

Le titre de la pièce Là, on y danse, est au premier abord léger, mais peut également être une affirmation peu anodine. Vous avez par ailleurs beaucoup travaillé la danse en lien avec son environnement. Que mettez-vous derrière ce « là » ?
Le choix du titre s’est opéré dans l’esprit que vous venez d’évoquer : il s’agissait d’affirmer avec une grande objectivité et une grande simplicité que c’est un spectacle de danse, et que « là », sur ce plateau, allait se jouer une mise en œuvre chorégraphique. Ce titre peut susciter de l’attention, de la polémique, ou, si on le prend d’une manière très simple, être une invitation. Il renvoie à l’histoire, à savoir tous les lieux traversés, toutes les expériences de corps, toutes les tensions autour de tout ce que peut être la danse, tout ce que doit être la danse, tout ce que l’on attend de la danse… Comme vous l’évoquiez, j’ai beaucoup travaillé sur l’environnement, sur ce qui se met en jeu dans la danse, en particulier pour le danseur mais aussi pour celui qui regarde. J’ai travaillé sur la nature de la médiation, ce qui se voit, ce qui se révèle ou ne se révèle pas, et c’est pourquoi j’ai vu cette nécessité de mettre ce « là » avant « on y danse ».
 
J’avais envie de retourner sur le plateau et de prendre les choses à leur base, de questionner ce qui se joue dans ce rendez-vous entre le spectateur et l’espace occupé par les danseurs.
 
Ce « on y danse » est-il pour vous un manifeste à l’heure où la danse se veut très souvent conceptuelle, et met en avant la présence des corps avant le mouvement ?
En fait, il n’y avait pas dans un premier temps cette notion de manifeste. Je voulais juste montrer que j’avais traversé plein de processus, questionné la place de la danse, son espace, la médiation, ses références, tout un catalogue de concepts. J’avais envie de retourner sur le plateau et de prendre les choses à leur base, de questionner ce qui se joue dans ce rendez-vous entre le spectateur et l’espace occupé par les danseurs. Je sais que les mouvances esthétiques peuvent interpréter ce titre comme une interpellation. Si c’est le cas, cela ne me dérange pas. Ce que je veux, c’est que les spectateurs se disent qu’ils vont voir un spectacle de danse sans présupposer de ce qu’ils vont voir, en construisant leur expérience à travers ce qu’ils vont voir.

C’est intéressant de voir comment vous vous posez la question du public, à l’heure où l’on aime considérer avant tout l’œuvre pour l’œuvre…
Je me suis toujours questionné sur l’œuvre, en étant exigeant sur tout ce qui pouvait apporter de nouvelles perspectives pour la danse, mais depuis que je dirige le CCN du Havre, la question de ce qui se voit est devenue très importante. Cela s’est d’ailleurs également traduit dans la nature des œuvres, avec Factory par exemple, qui mettait le public au centre pour faciliter ce rapport avec les danseurs et dépasser les archétypes de lecture de l’événement dansé, ou l’image stéréotypée de ce que doit être le danseur ou l’œuvre chorégraphique. Pour moi l’œuvre existe parce qu’il y a la présence d’un public. Notre mise en œuvre questionne ce que l’on fabrique, une histoire de la danse, des enjeux esthétiques, une façon de résoudre notre rapport au monde. Mais parce que l’autre est là, ces questions deviennent fondamentales.

Quelle est la matière première de cette nouvelle pièce ?
Face à tout ça, je suis parti d’un état présent : 20 ans de travail, de collaborations avec des danseurs, des plasticiens, des musiciens, et une perception de l’état du monde. Je me suis dit qu’il ne fallait pas avoir peur de revisiter des archaïsmes, et j’ai proposé des matériaux chorégraphiques aux danseurs en studio. Parallèlement, j’ai écrit quelles étaient mes préoccupations, mon état présent au monde, sans que cela intervienne sur la matière. Les matériaux ont été redistribués déconstruits, reconstruits, par rapport à une dramaturgie qui questionnait deux matières musicales. Ce procédé pouvait paraître simple, mais en réalité était porté par toute une histoire. J’avais envie de travailler avec Stravinsky parce que c’est une œuvre qui témoigne d’une époque, et avec laquelle j’ai un rapport intime. Dans sa forme musicale, je voyais un écho avec une sensation du monde : un état de dépression, de chute, de syncope, avec possibilité de reprise d’élans, avec un côté rapide et zapping. Parallèlement, j’ai demandé au compositeur David Konenberg de me proposer des espaces musicaux qui pouvaient cohabiter avec. Ensemble, le processus de travail a été empirique, avec l’idée de réinterroger le retour sur le plateau.

On a la sensation que cette pièce arrive à un tournant de votre parcours.

Vous avez raison, avant cela j’ai mené beaucoup de projets qui plaçaient la danse dans des formes hybrides, questionnant sa présence à travers l’image ou des dispositifs. J’ai cherché en quoi la vidéo ou une installation permettait de dynamiser, renouveler un langage chorégraphique, proposer un autre espace pour les danseurs et pour le public… C’est un projet qui vient en contrepoint de toute une série d’expériences, ma préoccupation étant de faire, « là », une danse.

Nathalie Yokel


Là, on y danse d’Hervé Robbe, les 12, 14 et 15 décembre au Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet, 75004 Paris. Tel : 01 42 74 22 77 

A propos de l'événement


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