Danse - Entretien / Kader Attou
Pour un hip-hop d’auteur
Théâtre national de Chaillot / The Roots et Opus 14 / de Kader Attou / CCN de La Rochelle – Cie Accrorap
Publié le 26 novembre 2015 - N° 238Kader Attou présente ses deux dernières créations au Théâtre national de Chaillot. Une danse virtuose qui dépasse de loin les limites du genre.
Les deux pièces qui seront données à Chaillot ont-elles un rapport de proximité ?
Kader Attou : Dans toutes mes pièces, j’essaie de me renouveler. Néanmoins, il y a un lien certain entre Opus 14 et The Roots. Ne serait-ce que par la signature qui est la mienne, ainsi que par la volonté d’écrire une chorégraphie avec de nombreux danseurs, onze pour The Roots, seize pour Opus 14, et surtout par la volonté de n’utiliser que du vocabulaire hip hop sans le métisser avec d’autres influences artistiques. C’est vrai que j’ai été catalogué comme adepte du métissage. À un moment donné, il m’a semblé capital de sortir du croisement des esthétiques. Bien entendu, ces hybridations culturelles, humaines m’ont construit et j’en suis fier. Mais je voulais créer une œuvre profondément ancrée dans le hip hop, notamment grâce à des interprètes d’excellence, une œuvre qui soit une ode à cette culture née il y a 30 ans dans le Bronx.
En quoi diffèrent-elles l’une de l’autre ?
Kader Attou : The Roots est donc un hommage à cette danse, en explore tous les codes. Opus 14 ouvre une autre fenêtre en posant la question d’un ballet porté par le hip hop. C’est une recherche chorégraphique sur les fondamentaux. C’est une nouveauté pour l’univers hip hop et un choix pour me prouver à moi-même que ces artistes-là sont capables de répondre à cette exigence qui peut dépasser le genre.
Quand on pense ballet, on pense souvent narrativité…
Kader Attou : Il n’y a pas d’argument central, ce qui importe c’est le rapport à l’autre, le sensible, la prouesse, et en ce dernier point, nous partageons une vraie similitude avec la danse classique, mais aussi la symétrie, l’unisson – à l’œuvre dans tous les répertoires, par exemple chez Nikolaïs –, ou la question du centre qu’a traitée Cunningham. C’est tout cela qui m’a interpellé quand j’ai commencé à travailler, avec des interprètes d’aujourd’hui qui portent cette esthétique. Ils seront les chorégraphes de demain. Ils conserveront un héritage qui passe par le travail, le répertoire, la création.
À quoi tient, selon vous, la spécificité de ce que l’on appelle aujourd’hui, le hip hop « à la française » ?
Kader Attou : Cela fait bien vingt ans que nous travaillons sur l’image de la danse hip hop. Et pourtant, il y a encore une sorte d’amalgame entre les battles – un hip hop mondial, avec ses compétitions, souvent financées d’ailleurs par des fonds sportifs – et la création sur scène. J’entends dire que je fais du hip hop contemporain. Qu’est-ce que ça peut vouloir dire ? Moi, quand je vais voir un spectacle de Maguy Marin, je ne pense pas « je vais voir de la danse contemporaine », mais « je vais voir du Maguy Marin ». Pourquoi cela devrait-il être différent pour nous ? Il y a une vraie spécificité française de la scène hip hop. Nous nous sommes efforcés de créer une singularité, de développer une danse d’auteur reconnue par les institutions. C’est une fierté et une chance d’avoir réussi cela dans l’Hexagone.
Propos recueillis par Agnès Izrine
A propos de l'événement
The Roots et Opus 14du mercredi 16 décembre 2015 au jeudi 25 février 2016
Théâtre national de Chaillot
1 Place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75016 Paris, France
Opus 14. Du 16 au 19 décembre, mer 16, ven 18, sam 19 à 20h30, jeu 17 à 14h30 et 19h30. Durée : 1h10. The Roots. Du 23 au 30 décembre, mer 23, sam 26, mar 29, mer 30 à 20h30, jeu 24 à 19h30, ven 25 à 17h, dim 27 à 15h30. Durée : 1h30.
Tournée : le 12 décembre 2015 au Théâtre Paul-Eluard de Bezons, du 19 au 23 janvier 2016 au Grand T, Nantes, le 7 février 2016 à l’Espace Michel-Simon de Noisy-Le-Grand, les 24 et 25 février 2016 à l’Onyx de Saint-Herblain…