La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien

Christian Rizzo

Christian Rizzo - Critique sortie Danse
Légende photo : (crédit Christian Rizzo) : Le minimalisme de Christian Rizzo comme une bouffée d’air pour les danseurs sud-africains

Publié le 10 novembre 2007
Toutes sortes de déserts, la rencontre de choc entre Christian Rizzo et les Via Katlehong
La compagnie sud-africaine Via Katlehong porte une danse très physique, à dimension politique, faite de pantsula et de percussions corporelles comme le step ou le gumboots. Ils viennent en France avec un projet de collaboration inédite avec Robyn Orlin et Christian Rizzo. Conversation avec ce dernier…

Pour cette création, vous êtes allé travailler avec l’équipe chez eux, en Afrique du Sud.
Oui, et cela a été un choc, la découverte d’une population, d’une façon de vivre dans un township, dans des conditions précaires, sans mes outils habituels. L’espace était minuscule, il n’y en avait même plus à la fin du travail, mais cela a permis une rencontre absolument incroyable. La commande m’a intéressé car il y avait cette notion de déplacement, géographique et mental.

Quand on arrive dans des territoires inconnus devant des artistes qui le sont tout autant, que leur propose-t-on ?
D’abord il faut savoir dire bonjour, c’est la première proposition. On leur propose son désir et on voit quel désir cela provoque chez l’autre. On parle de leur condition là-bas, des raisons pour lesquelles je suis là. J’ai commencé à travailler avec eux sur des choses très simples, comme être debout, assis, allongé, sur la notion du manque. Qu’est-ce que cela veut dire pour eux quelqu’un qui manque ? De fil en aiguille des formes apparaissent, qui sont à la fois liées à leur pratique et à la mienne. Mon principe étant que l’on nous reconnaisse chacun, car je ne voulais pas les traîner chez moi, et je ne voulais pas me laisser absorber par la force qu’ils dégagent.

Concrètement, que reste-t-il d’eux, et que voit-on de vous ?
Je crois qu’il reste d’eux une pratique du pantsula et du gumboots, mais d’une façon très minimale, ce qui en revanche tient de moi. Ce que l’on retrouve par contre en double, c’est le fait que l’on soit aussi bien eux que moi sur quelque chose qui relève de l’archaïque du théâtre, à travers une forme assez rituelle. Il n’y a pas de sons extérieurs, mais uniquement du chant et du djembé, et j’ai voulu respecter cette production d’eux-mêmes sans rajouter des choses sonores ou scénographiques qui seraient de notre ressort.
 
 « Toutes sortes de déserts traite des déserts géographiques, des déserts mentaux, et de la façon dont une communauté va habiter cette notion de désert. »
 
Alors même que vous aimez travailler sur le champ des arts plastiques, il s’agit donc d’une forme épurée, minimale…
Oui, c’est une chose très minimale, mais comme elle a aussi beaucoup à voir avec l’émotion, il fallait la traiter de cette façon et non pas d’une manière télévisuelle. Pendant une demi-heure, c’est un rituel de l’absence de quelqu’un, pris au sens large du terme.

Vous racontez donc quelque chose, même de façon métaphorique, mais avez-vous aussi conservé la dimension politique revendiquée par le groupe ?
De fait oui. Je la trouve même plus forte avec notre projet. Toutes sortes de déserts traite des déserts géographiques, des déserts mentaux, et de la façon dont une communauté va habiter cette notion de désert. Ce qui était important pour moi, c’était de faire une pièce autour d’eux en tant que communauté et fraternité.

Que vous a apporté cette communauté au sortir de la pièce ?
C’est un peu tôt pour le dire, mais c’est avant tout une rencontre. J’avais entendu parler de l’Afrique du Sud, mais je n’avais que des images, des informations, des commentaires. Maintenant, j’ai des éléments qui automatiquement font partie de ma vie. Je n’avais jamais passé un mois avec une équipe de danseurs dans un township, avec des histoires communes et singulières ! J’ai compris l’enjeu du déplacement que je cherchais véritablement, les formes que je peux faire sont parfois très léchées, se tournent vers la plastique, vers la scénographie… Là, elles se tournent plutôt vers l’humain.

A l’inverse avez-vous eu un retour de ce que vous leur avez apporté ?
C’est une histoire insensée. Pour eux, danser en silence ou rester immobile sur un plateau était inimaginable. Tout tournait autour d’une énergie très frontale. Je voulais – et c’était un acte politique – qu’ils acceptent aussi de se laisser voir en tant que personnes et plus en tant que danseurs africains qui viennent faire ce que l’on attend d’eux : être sur l’énergie, tout le temps à fond la caisse, et faire du spectaculaire. Ils ont ressenti très fort cette nouvelle façon d’être regardés. En général, ils sortent de scène épuisés physiquement, et là ils sortent épuisés physiquement et émotionnellement.

Pensez-vous que cela va marquer une étape dans votre travail ?
Je pense, oui. Mais parfois, il y a des étapes qui mettent très longtemps à resurgir…
Propos recueillis par Nathalie Yokel


Imbizo e Mazweni, collaboration entre Via Katlehong Dance, Robyn Orlin et Christian Rizzo, avec Toutes sortes de déserts de Christian Rizzo, le 1er décembre à 21h à l’Onde, 8 avenue Louis Bréguet, 78140 Vélizy-Villacoublay. Tel : 01 34 58 03 35. Et du 6 au 8 décembre à la Maison des Arts de Créteil, place Salvador Allende, 94000 Créteil. Tel : 01 53 45 17 17.

A propos de l'événement


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