Outre-Mer Veille
La Scène nationale martiniquaise vient passer [...]
Grand bâtisseur de théâtre au présent, Thomas Ostermeier s’empare de La Mouette en pliant la pièce d’Anton Tchekhov aux références de notre monde contemporain. Un spectacle qui vaut davantage pour l’éclat brut de certaines de ses parties, que pour la ligne d’ensemble qui s’en dégage.
C’est une drôle de Mouette que Thomas Ostermeier a créée le 26 février dernier au Théâtre de Vidy, à Lausanne. Une Mouette qui effectue une envolée aventureuse depuis la pièce écrite par Tchekhov en 1895 jusqu’à l’actualité de notre extrême contemporain. Chantre d’un théâtre qui s’invente au moment même où il se crée, qui se nourrit de la matière ardente de son époque et de l’authenticité de l’instant dans lequel il surgit, le directeur de la Schaubühne de Berlin a reformé la troupe avec laquelle il avait mis en scène, il y a trois ans, Les Revenants de Henrik Ibsen. Valérie Dréville (Arkadina), Jean-Pierre Gos (Sorine), François Loriquet (Trigorine), Mélodie Richard (Nina), Matthieu Sampeur (Treplev) — rejoints par Bénédicte Cerutti (Macha), Cédric Eeckhout (Medvedenko) et Sébastien Pouderoux (Dorn) — se retrouvent donc pour donner corps, force et évidence à cette comédie tragique sur l’amour et le théâtre.
Corps, force et évidence
Du corps, et même à bien des égards de la force, cette mise en scène à la scénographie sobre et pure (une boîte grise, une estrade en bois débordant sur la salle) n’en manque pas. Les magnifiques face-à-face de Matthieu Sampeur et Mélodie Richard, les accents de fragilité troublante de Bénédicte Cerutti, sont parmi les plus belles choses qui jaillissent de la représentation. C’est plutôt une forme d’évidence théâtrale qui fait, par moments, défaut à ce spectacle agrégeant des inserts issus d’improvisations au texte de Tchekhov (traduit par Olivier Cadiot). Car la façon volontariste à travers laquelle Thomas Ostermeier s’attache à inscrire La Mouette dans l’aujourd’hui temporel (à travers des adresses au public sur la guerre en Syrie, sur les tics d’un certain théâtre post-dramatique…) contribue, paradoxalement, à nous mettre à distance des enjeux et de l’avancée de la pièce. Entre imprécisions et fulgurances, la nouvelle création de Thomas Ostermeier laisse une impression de déséquilibre. Comme si le metteur en scène allemand n’avait pas, pour une fois, réussi à engendrer un présent théâtral suffisamment abouti pour faire disparaître les procédés qui le composent.
Manuel Piolat Soleymat
du mardi au samedi à 20H, dimanche à 15h. Tél : 01 44 85 40 40. Durée : 2h30. Spectacle vu à sa création au Théâtre Vidy-Lausanne.
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