Les Cuisinières
A la tête d’une troupe de treize comédiens et [...]
524 interrogations sur le passé, les origines, l’ici et l’ailleurs, le familier et l’étranger, le connu et l’inconnu : c’est Nécessaire et urgent, de l’écrivaine Annie Zadek. Un texte créé par le metteur en scène marseillais Hubert Colas en 2014, au Festival de la Bâtie, et repris aujourd’hui dans la petite salle du Théâtre national de la Colline.
« Ce sont plus de 500 questions que je n’ai pas posées aux miens, sur eux et sur leur exil de la Pologne, confiait Annie Zadek à Blandine Masson, en 2013, à l’occasion de la diffusion de l’enregistrement de son texte Nécessaire et urgent dans l’Atelier Fiction de France Culture (enregistrement réalisé dans le cadre du Festival Actoral, à Marseille). En 1937, ils sont partis, poursuivait-elle. Et comme cette génération de Juifs polonais et communistes, ils sont venus en France. Pas tant à ce moment-là pour fuir les nazis que pour échapper à l’enfermement dans une vie qui ne leur offrait aucun avenir. (…) On ne disait rien, rien sur rien, sur la vie d’avant. Et bien entendu, ça me convenait parfaitement. Un enfant pense à ces questions mais ne les pose pas. Je pense que si je l’avais fait, si j’avais questionné, ils n’auraient pas pu répondre ou pas répondu pour m’épargner. » Toutes ces questions sur l’histoire d’une famille, sur les raisons et les conditions du départ, de l’exil, sur la réalité d’un avant, sur la place que le passé occulté prend dans le corps du présent, l’adulte qu’est devenue Annie Zadek a donc fini pas les poser.
Des trous qui pèsent, qui hantent
Elles les a écrites, accumulées pourrait-on dire, déversées, mises bout à bout, sans jamais avancer aucune réponse, dans Nécessaire et urgent – texte publié par Les Solitaires Intempestifs (en mars dernier) et aujourd’hui présenté, au Théâtre national de La Colline, dans une mise en scène et une scénographie de Hubert Colas. Ce sont la comédienne Bénédicte Le Lamer et le comédien Thierry Raynaud qui, sur le plateau, s’emparent de ce déferlement de demandes agissant comme autant de fils lancés entre hier, aujourd’hui et demain. Les non-dits familiaux pèsent. Ils sont comme des fantômes. Des ombres persistantes. Envahissantes. Comme des trous dans la matérialité et l’équilibre d’une existence contaminée – voilà le constat qu’est amenée à faire Annie Zadek – par des zones d’inconnu susceptibles d’étendre leurs influences. En précisant ainsi le champ des choses qui l’ont toujours troublée, lui ont toujours posé question, l’écrivaine tente d’évaluer cette contamination du présent par le passé. D’en mesurer « l’infiltration dans [son] esprit et dans [son] corps pour agir avant qu’il ne soit trop tard ».
Manuel Piolat Soleymat
Du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h, le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 1h. Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr
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