La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Je suis Fassbinder

Je suis Fassbinder - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre national de la Colline
Je suis Fassbinder, mise en scène par Stanislas Nordey et Falk Richter. © Jean-Louis Fernandez

La Colline-Théâtre national / Texte Falk Richter / mes Stanislas Nordey et Falk Richter

Publié le 26 avril 2016 - N° 243

Matériau Fassbinder, 2016 : Stanislas Nordey et Falk Richter interrogent leur désarroi face à notre époque et utilisent à plein régime leur liberté artistique.

Ecrite au plateau au fil des répétitions, co-mise en scène par Stanislas Nordey, nouveau directeur du Théâtre national de Strasbourg, et par Falk Richter – artiste associé au projet du théâtre avec Laurent Sauvage -, cette création inaugurale frappe fort. A l’instar du réalisateur et dramaturge Rainer Werner Fassbinder, elle interroge le plus brûlant de notre époque malade, qui pourrait tous nous emporter. Et si elle est aussi vivante et saisissante, c’est parce que ses protagonistes s’emparent de cette interrogation avec toute la sincérité, le mordant et la liberté que permet l’art. La scène est ici tout entière le lieu d’un désarroi et d’une envie d’agir, celui d’une pensée en mouvement confrontant des pensées et opinions contradictoires. L’idée a germé suite aux attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher (seconde mention souvent omise dans les médias). L’un des points de départ de la pièce fut L’Allemagne en automne (1978), œuvre collective rassemblant plusieurs courts-métrages, dont l’un de Fassbinder, qui réagit aux événements d’automne 1977 en Allemagne, alors que les actions du groupe terroriste Fraction armée rouge (RAF), les Baader-Meinhof, frappèrent le pays.

La liberté de dire et de faire

A son tour, le collectif qui compose cette pièce interroge notre présent européen plombé par la menace terroriste, la peur, la montée de la haine et de l’extrême droite, à travers la figure fictionalisée de Fassbinder, en s’appropriant et s’imprégnant de sa façon d’être, de penser, de critiquer les errements du monde – même si évidemment les deux périodes présentent des résonances mais aussi des différences majeures. Fassbinder vomit les diktats normatifs et revendique la liberté de dire et de faire, la liberté d’affirmer qu’il faut par les moyens de l’art « détruire la société ». Une telle source d’inspiration amène l’équipe des acteurs vers des moments “provocants“, tendant vers la gravité ou la légèreté. Lors d’un bel épisode choral, les cinq comédiens revêtent la robe verte de Petra von Kant et disent sa rage. Lors d’une autre scène que certains trouvent marrante et d’autres « lourdingue », Thomas Gonzalez arpente le plateau en balançant ostensiblement son sexe nu. Comme pour dire un non bien clair à l’autocensure qui, on l’a constaté, peut surgir ! Les acteurs oscillent explicitement entre personnages et personnes au travail sur un texte. Stanislas Nordey est Rainer ou Stan, comme lors du dialogue entre Rainer et sa mère (le si féminin Laurent Sauvage !). Les scènes sur l’Europe et ses faillites sont frappantes. Judith Henry (superbe actrice !), Laurent Sauvage, Eloïse Mignon, Stanislas Nordey et Thomas Gonzalez (qui devrait se présenter à l’Eurovision) sont formidables. Que pourrait devenir une telle pièce dans dix ans, ou même dans un an ? Que pèse l’art face au chaos du monde ? Il existe, c’est déjà bon signe…

Agnès Santi

A propos de l'événement

Je suis Fassbinder
du mardi 10 mai 2016 au samedi 4 juin 2016
Théâtre national de la Colline
10 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France

Durée : 2h. Spectacle vu au Théâtre national de Strasbourg.

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