La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Maman bohême et Médée

La Maman bohême et Médée - Critique sortie Théâtre
La révolte du deuxième sexe.

Publié le 10 septembre 2007

Didier Bezace réunit deux monologues de Dario Fo et Franca Rame et confie à Ariane Ascaride la parole tonitruante des asservies révoltées.

Marqués par les luttes politiques des années 70, le refus des conventions bourgeoises et les désirs d’émancipation libertaires, les textes de Dario Fo et Franca Rame, impertinents, émouvants et follement drôles, résonnent d’une salutaire insolence en notre époque où les femmes continuent d’être ravalée à leur rôle matriciel et sexuel. Ariane Ascaride, poireau roux sur la tête et caddie à la main, dévale comme une furie les degrés de la salle jusqu’à la scène avec une vigueur crue et rebelle digne de l’antique Lysistrata et des militantes MLF les plus radicales. D’abord Maman bohême, elle fustige la société machiste et ses soutiens policiers et religieux, et déverse dans les oreilles d’un prêtre invisible, cloîtré dans le confessionnal de l’église où elle a trouvé refuge, toute la haine et l’amertume de sa condition de femelle exploitée. Mais trahie par le curé qui n’en est pas moins homme, et donc suppôt des forces d’asservissement, elle se retrouve bientôt dans sa cuisine, par l’heureux effet d’un plateau tournant qui ouvre très habilement sur le second temps du diptyque où la femme est rendue aux ustensiles de son esclavage. La comédienne devient alors Médée, celle qui tue le fruit de ses entrailles, que Jason a cessé d’honorer pour lui préférer une compagne plus fraîche et plus glorieuse.

Une sorcière géniale en fée du logis

Ariane Ascaride, un peu en force dans la première partie du spectacle, excelle en Médée et réussit remarquablement à installer l’émotion au milieu des fourneaux où elle prépare frénétiquement le repas empoisonné de Jason. Le Prologue de Médée, où Franca Rame déploie tout le talent de sa verve moqueuse, est servi par une Ascaride en ménagère-magicienne épatante de truculence : un morceau d’anthologie ! Préparant poulets carbonisés, purée au détergent et bière au sang mousseux, elle virevolte autour d’un Jason muet et comme anesthésié, sorte de grand dadais aveugle aux débordements volcaniques de la virago trahie à laquelle il rend une ultime visite. La farce se transforme en tragédie lorsque la comédienne entame la plainte de l’épouse délaissée avec un art de l’économie dramatique bluffant. La mise en scène de Didier Bezace réussit le tour de force d’illustrer le texte sans l’alourdir et Ariane Ascaride parvient à en faire entendre la profondeur poétique et politique tout en mettant à distance le pathos par son agitation ménagère. Drôle, généreux et intelligent, ce spectacle vaut comme pamphlet revigorant et vivace et constitue un moment de théâtre globalement très réussi.

Catherine Robert


La Maman bohême et Médée, de Dario Fo et Franca Rame ; adaptation et mise en scène de Didier Bezace. Du 3 au 28 octobre 2007. Du mardi au vendredi à 20h30, le samedi à 21h00 et le dimanche à 17h30 et les jeudis 11, 18 et 25 octobre à 19h30. Théâtre de la Commune, 2, rue Edouard-Poisson, 93300 Aubervilliers. Réservations au 01 48 33 16 16.

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