La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Magie lente

La Magie lente - Critique sortie Théâtre Paris La Reine Blanche
DR Benoit Giros, sidérant de vérité.

Reprise / La Reine Blanche / texte de Denis Lachaud / mes Pierre Notte

Publié le 23 octobre 2018 - N° 270

Benoit Giros incarne l’avancée de la parole d’un être traumatisé, qui cherche à panser ses souffrances. Une mise à nu impressionnante. 

C’est une « petite histoire » racontée lors d’un colloque de psychiatrie, exposant le cas d’une erreur de diagnostic. Le patient, nommé Louvier, suivi sans résultat pendant plus de dix ans par un psychiatre qui le considère schizophrène, découvre lorsqu’il s’adresse à un nouveau praticien, Kemener, qui il est vraiment. C’est une découverte difficile, bouleversante, effarante même, qui prend du temps. Une découverte qui, en laissant émerger petit à petit les traumatismes, permet de les nommer, de les tenir à distance, de se reconstruire. Car à travers ce changement radical de diagnostic, Louvier affronte son enfance saccagée, violée, en silence, sans aucun secours. « Il y a au fond de moi une épave et ça remonte par morceaux », dit-il. Après l’introduction et la parole publique de la conférence, le texte passe rapidement au « je », à la parole intime et crue qui relie le patient et l’analyste.

Eclairer la parole agissante

Denis Lachaud s’est documenté auprès du milieu médical avant d’écrire cette pièce pour un seul acteur, qui doit son titre à une réflexion de Sigmund Freud : « La psychanalyse est une magie lente ». C’est justement le processus curatif et introspectif qu’il éclaire dans ses méandres et son accomplissement progressif. Eclairant parfaitement cette avancée de la parole, la mise en scène de Pierre Notte laisse toute sa place aux mots. Du divan au plateau, du patient en dialogue avec son analyste à l’acteur en dialogue avec le public, c’est une parole agissante qui est mise en lumière, dans sa crudité extrême, son entêtement, ses douleurs, sa puissance et son impuissance entremêlées. Il est très difficile de porter une telle parole, seul, face au public. Benoit Giros parvient à donner vie à cette épreuve de manière impressionnante, à l’endroit intérieur de cette souffrance écrasante qui se révèle, jusqu’à laisser place à un possible dépassement. Une pièce rigoureuse, dense, juste, qui rappelle que chaque année en France des milliers d’enfants sont victimes de viol, la plupart du temps dans un environnement familial. Et beaucoup se taisent.

Agnès Santi

A propos de l'événement

La Magie lente
du vendredi 2 novembre 2018 au dimanche 23 décembre 2018
La Reine Blanche
2bis, passage Ruelle, 75018 Paris

les mercredis, vendredis et dimanches à 19h. Tél. : 01 40 05 06 96. Durée : 1h10. A partir de 15 ans. Spectacle vu au Théâtre de Belleville en avril 2018.

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