Campana
LE CENTQUATRE-PARIS / conception Cirque Trottola
Publié le 23 octobre 2018 - N° 270Quatre ans après le grand Matamore créé avec le Petit Cirque Baraque, le Cirque Trottola revient à son duo d’origine. Dans Campana, les inséparables Titoune et Bonaventure Gacon sont des êtres venus d’ailleurs qui s’inventent une drôle de ménagerie.
Les spectacles du Cirque Trottola ne sont d’aucune époque ni d’aucun lieu. Ils sont d’un peu tous les paradis perdus depuis longtemps, de toutes les gloires recouvertes de poussière. Campana ne fait pas exception à cette règle instaurée par la voltigeuse Titoune et le clown Bonaventure Gacon dès Trottola. Un premier spectacle créé en 2002, suivi de Volchok (2007), et encore cinq ans plus tard de Matamore où, accompagnés du couple Nigloo-Branlo du Petit Cirque Baraque, ils jouaient à leur manière tendre et anachronique aux faibles déguisés en brutes. Comme le personnage de la comédie espagnole que désigne le titre de la pièce, réputé pour sa lâcheté dissimulée sous des airs fanfarons. Surgissant dans Campana des tréfonds de leur piste surélevée et percée de trappes, la fluette acrobate et le clown costaud apparaissent cette fois sans masques. Dans toute leur fragilité. Rescapés d’on ne sait quelle guerre, catastrophe climatique ou autre tragédie, ils sont des créatures en sursis. Toujours menacés de retourner à leur enfer – ils disparaissent régulièrement dans le ventre de leur chapiteau pour en ressortir différents –, ils se livrent à l’acrobatie comme si leur vie en dépendait. Avec un humour qui ne cache pas sa part de désespoir, mais qui résiste à tous les mauvais sorts. Entre chutes et envolées, Titoune et Bonaventure Gacon poursuivent dans Campana leur singulière marche.
Le cirque à l’épreuve du temps
Tantôt clowns, tantôt presque aussi sérieux dans leurs pirouettes que des artistes de cirque traditionnel, les deux complices du Cirque Trottola n’ont guère besoin de paroles pour exprimer le regard qu’ils portent sur leur discipline. Et, plus largement, sur le monde. Entre un numéro d’acrobatie au sol et un moment de trapèze un peu trop classiques et plusieurs apparitions de Bonaventure Gacon dans les haillons de son merveilleux clown-clochard Boudu, ils font pour cela surgir du trou où ils s’engouffrent plusieurs objets éloquents. Un gros éléphant gonflable, un oiseau et un singe par exemple, clins d’œil facétieux au débat sur la présence d’animaux sauvages qui agite depuis quelques années le milieu du cirque traditionnel. Revendiquant ainsi leurs attaches avec ce monde en voie de disparition, Titoune et Bonaventure affirment une fois de plus leur esthétique personnelle. Leur manière particulière de faire tenir ensemble le rire et le risque. Leur goût pour le bricolage, partagé par les musiciens Thomas Barrière et Bastien Pellenc, dont les percussions rafistolées, la guitare à deux manches et l’orgue Bontempi accompagnent depuis dix ans l’amour fou de l’improbable duo. Clou du spectacle, une grosse cloche en bronze sortie des mêmes entrailles que les artistes et leur pachyderme dit cette résistance du cirque au temps qui court. Aussi sombre soit-il.
Anaïs Heluin
A propos de l'événement
Campanadu vendredi 23 novembre 2018 au samedi 15 décembre 2018
LE 104-Paris
5, rue Curial, 75019 Paris
les mardis, mercredis, vendredis et samedis à 20h.
Tél : 01 53 35 50 00. Également du 6 au 10 février 2019 à Istres, Festival les Elancés. Du 19 au 23 février à Sète, Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau. Du 9 au 13 mars à Elbeuf dans le cadre du Festival Spring, Cirque Théâtre d’Elbeuf – Pôle National Cirque. Du 23 au 27 mars à Villedieu-les-Poêles, dans le cadre de Villes en Scène et du Festival Spring. Du 3 au 10 mai au Le Mans, Les Quinconces – L’Espal – Scène Nationale. Du 29 mai au 4 juin à Clermont-l’Hérault, Le Sillon. Poursuite de la tournée en 2019. Vu au Festival d’Alba en juillet 2018.