La Loi de la gravité, d’Olivier Sylvestre, mise en scène de Cécile Backès

Voilà qui s’appelle finir en beauté. En touchant juste. En touchant fort. Soutien indéfectible des écritures contemporaines, défenseuse passionnée d’un théâtre qui a pour vocation d’être partagé avec le plus grand nombre, adultes comme adolescents, Cécile Backès enfonce une nouvelle fois le clou de ses envies et de ses engagements. Avant de quitter la direction de la Comédie de Béthune, en juin prochain, la metteuse en scène signe un spectacle palpitant. Un spectacle à la croisée du politique et du poétique qui parle des exigences de l’intime, de la difficulté de se chercher, de se trouver, de s’accepter lorsque les désirs qui naissent au fond de soi n’entrent dans aucune des cases définies par nos sociétés excluantes. La pièce à l’origine de cette proposition est du Québécois Olivier Sylvestre. Ce dernier a remporté avec un autre texte, Les Sentinelles, l’édition 2020 de Scenic Youth, Prix des lycéens pour les nouvelles écritures de théâtre organisé par le Centre dramatique national Nord – Pas-de-Calais. Dans La loi de la gravité, l’auteur né en 1982 présente Dom et Fred, deux adolescents de 14 ans qui tentent de se faire une place dans le monde.

Deux adolescents pas comme les autres

L’un est né fille mais affirme une identité de garçon. L’autre n’est pas encore sûr de savoir vraiment qui il est et qui il est enclin à aimer. Ensemble, Dom et Fred rêvent de lendemains meilleurs. Ils regardent les oiseaux qui volent au-dessus d’eux, se projettent vers un ailleurs dans lequel tout semble possible, de l’autre côté d’une rivière. Dans la scénographie à deux étages signée Marc Lainé et Anouk Maugein, Marion Verstraeten et Ulysse Bosshard incarnent les deux adolescents avec une habileté qui en impose. On les regarde avec émotion dessiner les incertitudes de ces êtres à fleur de peau qui font connaissance, se rapprochent, se brouillent, se réconcilient, se confient l’un à l’autre, essaient de comprendre comment ils pourraient être aimés pour ce qu’ils sont… Faisant équipe avec les deux comédiens, derrière une batterie ou à divers endroits du décor, le percussionniste Arnaud Biscay (en alternance avec Héloïse Divilly) interprète la partition sonore et musicale du spectacle. A travers cette matière vivante, comme à travers les tableaux humains et les atmosphères sensibles que révèle la représentation, la mise en scène de Cécile Backès fait merveille. Elle nous entraîne dans les paysages organiques d’un théâtre du trouble. Et de la vérité.

Manuel Piolat Soleymat