La Brique

« Je me suis demandé si je valais réellement une brique… »

Pourquoi avoir intitulé cette création La Brique ?

Guy Alloucherie : Pour les journées du Patrimoine à Culture Commune (ndlr, Scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais), sur le site minier du 11/19, à Loos en Gohelle, on m’a demandé de faire un spectacle. Je me suis demandé si on me prenait comme une partie du patrimoine (j’ai toujours vécu dans le bassin minier du Pas-de-Calais et je suis fils d’ouvrier-mineur). Alors j’ai eu l’idée de me prendre pour une brique, parmi toutes les briques du bassin minier. Et je me suis demandé si je valais réellement une brique (surtout qu’aujourd’hui, tout ou partie du bassin minier est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO).

Quelles sont les principales réflexions que vous souhaitez développer à travers ce spectacle-conférence ?

G. A. : La principale question que pose ce spectacle, c’est le pouvoir de parole des briques. La brique du bassin minier a-t-elle quelque chose à nous raconter ou bien est-elle muette ? La brique, c’est rigide, c’est droit, c’est plat, mais ça se soumet facilement. J’ai été élevé comme ça. Passer derrière l’affiche. Passer inaperçu, se faire oublier. Aller voir ailleurs si j’y suis ! Se fondre dans le paysage ! Va-t’en surtout pas te faire remarquer, qu’elle disait, ma mère ! Une brique parmi d’autres ! La brique du bassin minier du Pas-de-Calais, elle n’avait pas le droit de la ramener, et voilà maintenant qu’elle est inscrite au patrimoine mondial de l’humanité !

Vos créations conjuguent humour, témoignages, questionnements politiques, poésie du quotidien… Qu’est-ce que vous souhaitez placer au cœur de votre théâtre ?

G.A. : J’ai cherché bien longtemps des formes d’expression qui pourraient me convenir. Cirque, danse, théâtre, vidéo, dessin. Notre but, à la Compagnie Hendrick Van Der Zee, est de mettre tout cela au service des gens, pour co-construire des spectacles où tout le monde se sente concerné par ce qui se dit et ce qui se fait. Dans La Brique, qui est davantage un spectacle de plateau, il s’agit de rendre compte d’une histoire vraie, d’une histoire d’enfance ouvrière dans un monde où il est de plus en plus difficile de trouver du travail. De tisser un lien avec le monde de l’art contemporain, même si parfois c’est un peu compliqué. D’en jouer. De garder l’humour. De ne pas hésiter à en rire parfois. Pour tenir le coup.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat