Les Jumeaux vénitiens
Jean-Louis Benoit revisite Goldoni avec une [...]
Sylvain Maurice porte à la scène le roman de Laurent Binet, et met en jeu un polar ludique et profond autour du pouvoir de la parole. La scène de théâtre est un lieu parfait pour une telle enquête !
« Après Réparer les vivants créé l’an dernier, je continue pour ma part de me consacrer à l’adaptation de romans. Je crée La Septième Fonction du langage d’après le roman de Laurent Binet. J’ai beaucoup ri en le lisant, et j’ai immédiatement voulu le porter à la scène. A partir d’un fait réel, la mort de Roland Barthes qui, le 25 février 1980, fut renversé par une camionnette devant le Collège de France, l’auteur imagine un polar ludique et captivant dans le milieu des intellectuels de l’époque. Roland Barthes aurait en fait été assassiné parce qu’il détiendrait un pouvoir secret – la septième fonction du langage. Un duo improbable – le flic Bayard, très à droite, et le jeune prof de lettres Simon Herzog, très à gauche, qui vont devenir les meilleurs amis du monde – mène l’enquête, qui les conduit notamment jusqu’au mystérieux Logos-Club dont le maître est le Grand Protagoras, où se lancent de fameux défis d’éloquence. L’enquête révèle les jeux de pouvoir, démasque les tartuffes, sans posture de dénonciation, mais avec un humour percutant. Le spectateur est en position active, où comme dans tout polar il enquête avec les enquêteurs.
Située au moment de la campagne présidentielle de 1981 et de l’élection de François Mitterrand, l’intrigue enclenche un jeu de pistes captivant, qui donne à rire autant qu’à penser. Comme le monde politique, le monde intellectuel apparaît comme une sphère de pouvoir, marqué par des positions de surplomb. L’intellectuel a-t-il une position surplombante par le regard qu’il porte sur le monde et par son expertise, ou bien cette position surplombante écrase-t-elle un peu les autres et les empêche de penser ? Ecrit bien avant les récentes campagnes présidentielles américaine et française, le roman explore de manière très juste, à la fois drôle et profonde, diverses problématiques autour du pouvoir de la communication dans le monde politique. Une thématique qui mobilise et invite à la réflexion sur la dialectique qui se noue entre pensée et communication. Cette opposition entre puissance de la pensée et pouvoir de la communication est un sujet très actuel, de même que celui d’un monde en mutation hyper médiatisé où le monde politique peine à trouver un ancrage et à se renouveler. Les trois acteurs – Constance Larrieu, Pascal Martin-Granel, Manuel Vallade – sont entraînés dans un jeu de rôles : il faut qu’ils soient mis en danger, qu’ils usent du verbe pour nous ensorceler. Je mets en scène le roman comme un concours d’éloquence, en poussant la parole dans ses retranchements. »
Propos recueillis par Agnès Santi
à 20h30, sauf jeundi à 19h30 et samedi à 18h. Relâche dimanche, et le 11 novembre. Tél. 01 30 86 77 79. Durée : 1h30. www.theatre-sartrouville.com Dès 14 ans.
Jean-Louis Benoit revisite Goldoni avec une [...]